À conserver pour l’histoire du climat
Depuis la publication du grand ouvrage de l’historien français Emmanuel Le Roy Ladurie [né en 1929], Histoire du climat depuis l’an mil, Paris, Flammarion, 1967, 381 pages, nous savons qu’il est possible de réfléchir à l’histoire du climat d’un lieu donné avec un certain nombre d’indices. Et ce travail est passionnant. Mais il faut être aux aguets et savoir repérer ces indices qui pourraient être utiles.
Pour le Québec, les dates de formation et de disparition des ponts de glace sur le fleuve et les rivières, les débuts de la coulée des érables, les dates de reprise de la navigation sont des matières à réflexion sur les printemps hâtifs ou tardifs. Aussi faut-il mettre en banque ce qu’on trouve à ce sujet.
Le court article qui suit, accolé à d’autres, pourrait aider à « monter » une histoire du climat. Le journal écrit :
À quand la débâcle ? À quand l’ouverture de la navigation ? On commence déjà à s’intéresser à ces questions chez les compagnies de navigation et à la commission du port [de Montréal].
En effet, si nous en jugeons par la température actuelle, il se pourrait fort que la débâcle se fasse à très bonne heure, cette année.
Voici les dates de l’ouverture de la navigation depuis vingt ans :
D’après ces statistiques, on ne peut prévoir que plus ou moins la date à laquelle se fera l’ouverture de la navigation cette année.
En plusieurs endroits, on rapporte que la glace n’est pas solide, et même qu’on y a remarqué une désagrégation considérable. En ce cas, si la température actuelle continue, on pourrait s’attendre à une débâcle très hâtive.
Vous voulez que je vous dise ? J’ai un rêve. Me retrouver autour d’une table avec quelques personnes, 5 à 8, je dirais, que l’histoire du climat québécois passionnerait et puis lentement, par nos travaux, bâtir cette grande histoire du climat d’ici. Il se trouve des données dans les journaux d’autrefois. Mais combien d’histoires de paroisse peuvent aider également à enrichir notre propos. Marier nos données, par exemple, avec des abondances d’oiseaux ou d’animaux de la forêt, certaines années, de longues semaines de pluie, etc. Je n’ose imaginer le plaisir de nous sentir aussi utiles.
Il y a encore tellement de travail à abattre sur l’histoire du Québec. Et qui sait, la grande table imaginée ici pourrait bien être une table internet, hors des institutions formelles, des institutions déjà en place ?
La Patrie (Montréal), 16 mars 1908.