Skip to content

Digression à l’heure du solstice

Le mois de mai

Au sein des plus closes retraites

Que le printemps sait se choisir,

Dans la verdure et les fleurettes

Gîte ce doux mois du plaisir.

Les zéphires lui font cortège

Et de fleurs brodent les sentiers ;

Comme pour lui jeter leur neige,

Devant lui ploient les vieux pommiers.

 

Savez-vous où gîte

Mai, ce joli mois,

Qui s’enfuit plus vite

Que la biche au bois ?

 

Le soleil a quitté le signe

Du Taureau, sous les deux Jumeaux

Avec l’épi fleurit la vigne,

Consolatrice de nos maux ;

Quel parfum de ces fleurs émane !

Sur ces champs de pourpre voilés

Quelle vive musique plane

D’oiseaux et d’insectes ailés !

 

Savez-vous où gîte

Mai, ce joli mois,

Qui s’enfuit plus vite

Que la biche au bois ?

 

C’est vraiment le mois du mystère,

Des amours le gai rendez-vous ;

La nuit, le ver luisant éclaire,

La lune a son croissant plus doux.

Sur l’eau la verte demoiselle

Promène son corset changeant,

Et sous l’eau profonde étincelle

Une écaille d’or et d’argent.

 

Savez-vous où gîte

Mai, ce joli mois,

Qui s’enfuit plus vite

Que la biche au bois ?

 

Avant l’aube part l’alouette :

Pour les oiseaux c’est le signal,

Chacun sur sa branche répète

Son petit refrain matinal ;

Au sein des blés la voix rappelle

De la caille ou de la perdrix ;

L’hirondelle au chaume fidèle

Perce l’air de ses petits cris.

 

Savez-vous où gîte

Mai, ce joli mois,

Qui s’enfuit plus vite

Que la biche au bois ?

 

À midi les roches brûlantes

Redisent le chant des coucous,

Les tourterelles roucoulantes

Font vibrer les feuilles de houx ;

Quand la forêt deviendra brune,

Le rossignol aura son tour,

Aux fraîches clarté de la lune,

Pour achever l’hymne d’amour.

 

Savez-vous où gîte

Mai, ce joli mois,

Qui s’enfuit plus vite

Que la biche au bois ?

 

Un sein de bergère où s’abrite

L’amour naissant au renouveau

Passe muguet et marguerite,

Fraîcheur de source et chant d’oiseau.

Oh ! que ma paysanne est belle,

Quand elle mène, vers le soir,

En bonnet rond, et, sans dentelle

Son troupeau blanc à l’abreuvoir !

 

Savez-vous où gîte

Mai, ce joli mois,

Qui s’enfuit plus vite

Que la biche au bois ?

 

Pierre Dupont, Pierre Dupont, Chants et poésies, neuvième édition, Paris, Garnier Frères, 1875, p. 54-56.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS