Le charivari, un mode de justice populaire apporté aux États-Unis par les Québécois ?
Comment savoir ? Peut-être que les Amérindiens faisaient charivari ? Ou les populations venues des îles britanniques ? Fut-ce apporté par les Acadiens en Louisiane ou les Québécois de langue française en Nouvelle-Angleterre ?
Mais, au début du 20e siècle, il arrive qu’on fasse encore charivari. La scène se passe dans le petit village de Winchendon, tout au nord de l’État du Massachusetts. Le texte du journaliste est laborieux.
Deux Canadiens, Arthur Bastille et Henri Charbonneau, ont comparu en cour, hier, accusés d’avoir troublé la paix du village. Ils étaient membres d’une foule de 100 personnes qui, au retour de M. et Mme Lévis Patenaude, en tour de noces à Fall River, sont allés les sérénader. Mais comme il n’y a pas de licence et comme M. Patenaude m’était pas relié à la brasserie, il leur a crié qu’il n’en avait pas assez [de boisson alcoolique sans doute] pour faire le tour.
Ces messieurs n’ont voulu rien comprendre et sont restés là une partie de la nuit à faire de la musique sur des plats en fer blanc. Survint un agent de police qui goba Bastille et Charbonneau et les emporta au bloc.
En cour, ces messieurs, qui avaient un avocat, mais pas d’interprète, ne se comprenaient pas avec leur avocat qui en était à sa première cause, ayant été gradué dernièrement. Cinquante des amis des prisonniers assistaient.
Le juge s’est montré doux envers les inculpés. Ils ont d’abord décidé de porter la cause en Cour Supérieure et a mis les prisonniers sous $100 de caution. Au bout de quelques minutes, l’avocat des défendeurs a annoncé au juge qu’il avait de la difficulté à prélever les $100 des personnes présentes et a demandé au juge de rejuger la cause.
Son honneur s’est prêté de bonne grâce et a appliqué aux défendeurs une petite amende de $10 par tête, laquelle ils ont payés.
Le français mêlé d’anglais des défendeurs, et l’anglais mêlé de français de l’avocat, faisait une scène à peindre qui a fort réjoui tout le monde présent.
Le Canada (Montréal), 8 septembre 1903.
La photographie, prise sur le quai des Cageux à Québec en 2012, est de Pascal Evans.