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Il y a étrennes et étrennes

Soyez intelligent dans le choix de vos cadeaux.

Tout le monde en donne maintenant. Tous veulent en recevoir.

Les étrennes sont passées dans nos mœurs. C’est un lien de plus que la mode a noué à notre liberté.

Le luxe s’en est mêlé, les exigences ont grandi, les relations sociales se sont étendues, les amitiés se sont multipliées, et derrière tout cela la vanité et l’intérêt se sont embusqués. Il s’est trouvé, plus d’une fois, qu’on recevait des étrennes, non pas parce qu’on avait des amis, mais qu’on gardait ces amis pour en avoir des étrennes.

Nous n’ambitionnons pas, pour le moment, de changer cette mode. C’est un courant et personne ne fait remonter les courants. Tout au plus, peut-on l’utiliser.

Il suffirait pour cela de choisir les objets que l’on donne. On serait utile alors sans cesser d’être agréable; on plairait en rendant service. Il se trouverait dans les bibelots que transportent la poste, les pauvres facteurs éreintés, les domestiques et les camionneurs, moins de boîtes de chocolat, moins d’articles de toilette, moins de Teddy Bears, moins de brimborions encombrants et de parfums capiteux. Et ce serait tant mieux !

Il s’y trouverait, par contre, pour les pauvres, des objets petits, mais d’utilité grande; pour les riches, des objets qui rappelleraient moins leur argent, mais plus leur intelligence; pour tous, enfin, étrenneurs et étrennes, plus de gaieté franche, plus de bons sens et plus de sincère amitié.

On reproche souvent aux familles canadiennes de lire trop peu, ou des livres très légers. Les étrennes ne sont-elles pas un moyen de leur fournir, aux jeunes gens surtout, l’occasion de posséder et de lire quelques ouvrages sérieux ?

Ne croit-on pas qu’il vaudrait mieux pour un mari recevoir de sa femme, ou un fils, de sa mère, ou de sa sœur, un ouvrage comme l’«Intendant Talon», par exemple, de Thomas Chapais, ou «Entre Amis», du P. Louis Lalande, ou «Cartier» et «Lafontaine» de De Celles, que de recevoir des boutons de manchette «made in Germany», une bouteille d’eau de violette, une cravate rouge ou bleue, ou des cigares «made in Cuba».

Vive les étrennes qui vident nos bourses, en nous remplissant l’esprit !

Vivent les amis intelligents, qui estiment assez l’intelligence de leurs amis, pour ne pas les traiter comme des poupées !

Vivent les jours de l’An clairs et gais, où l’on s’aime sans convention, et où l’on s’aide de bon cœur !

 

La Patrie (Montréal), 17 décembre 1907.

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