Il faut connaître le poète Louis-Joseph Doucet (1874-1959)
Ce gars de Lanoraie, sur les bords du Saint-Laurent, était, c’est certain, prosaïquement, bien de son temps qui a vieilli, mais il a aussi échappé à l’occasion certaines belles images.
Ballade
J’ai vu le vol des bécassines,
Frissonnant parmi les roseaux,
Au son des cloches argentines
Que faisait tinter le troupeau.
Je m’approchai de la rivière.
Pour mieux me reposer le dos,
Je m’appuyai sur un ormeau
Dont s’esjouissait ma paupière.
Le chemin longe la colline
Qui se miroite au fond des eaux.
Où se promenait Angéline
Parmi les rayons les plus beaux;
Je l’appelai «belle bergère»,
Elle m’appela «pastoureau»,
Puis «écouteur de chants d’oiseaux»
Dont s’esjouissait ma paupière.
L’onde était pure et cristalline;
Nous regardâmes les bateaux
Qui glissaient sous la brise fine.
Les voiles comme des manteaux
D’où s’échappait de la lumière
Gagnaient le jour des renouveaux.
Je voudrais revoir ce tableau
Dont s’esjouissait ma paupière.
Envoi
Princesse, ne soyez pas trop fière,
Ne riez plus de mes travaux,
Soyez l’idole en mon cerveau,
Dont s’esjouissait ma paupière.
Lanoraie, 5 juillet 1900.
Extrait de Contes rustiques et Poèmes quotidiens (Montréal. J.-G. Yon, éditeur, 1921)