«Baisez-moy tost ou je vous baiseroy»
On s’imagine que les temps anciens étaient posés, corsetés, sérieux. L’écrivain libertaire français Henry Poulaille (1896-1980) en a sans doute toujours douté.
En 1943, il nous livre un ouvrage de plus de 400 pages sur les chansons d’amour du 16e siècle en France. Un pavé, quoi. Bien riche pour qui s’intéresse au sujet.
La chanson du XVIe siècle, écrit-il, celle qui prend l’amour pour thème en particulier, est, disions-nous, l’un des principaux témoignages de la transition de la littérature du passé à celle à venir. C’est en effet par elle que l’esprit dit ‘gaulois’ par habitude, se transmettra aux siècles qui le suivent. C’est elle qui conserve le ton dégagé, primesautier, qui avait atteint son apogée avec Clément Marot […].
Voici deux chansons de 1541, précisément l’année où Jacques Cartier et son équipage s’installent à Cap-Rouge. François de Roberval les suivra l’année suivante.
Baisez-moy tost ou je vous baiseroy
Baisez-moi tôt ou je vous baiserai
Approchez près, faites la belle bouche
Otez la main que ce tétin touche
Laissez cela, je vous l’arracherai
Mon bien, amour, tant je vous le ferai
S’il faut qu’un jour avecques vous je couche
* * *
Ramonez-moi ma cheminée
Ramonez-moi ma cheminée
Ramonez-la-moi, haut et bas
Une dame, la matinée
Disait de chaleur forcenée
Mon ami, prenons nos ébats.
Ramonez-moi ma cheminée
Ramonez-la-moi haut et bas
La Fleur des Poésies Françaises, A. Lotrian, 1541.
Extrait de Henry Poulaille, La Fleur des chansons d’amour du XVIe siècle, Paris, Édition Bernard Grasset, 1943.