La jeunesse éternelle de Jacques Prévert
Lire du Prévert est un repos. Il fut un homme de paix, de paix souriante, ratoureuse, mais tout à fait méfiante des pouvoirs. Il aimait tant la marge, et nous la faisait aimer. Suivons-le.
La nouvelle saison
Une terre fertile
Une lune bonne enfant
Une mer hospitalière
Un soleil souriant
Au fil de l’eau
Les filles de l’air du temps
Et tous les garçons de la terre
Nagent dans le plus profond ravissement
Jamais d’été jamais d’hiver
Jamais d’automne ni de printemps
Simplement le beau temps tout le temps
Et Dieu chassé du paradis terrestre
Par ces adorables enfants
Qui ne le reconnaissent ni d’Ève ni d’Adam
Dieu s’en va chercher du travail en usine
Du travail pour lui et pour son serpent
Mais il n’y a plus d’usine
Il y a seulement
Une terre fertile
Une lune bonne enfant
Une mer hospitalière
Un soleil souriant
Et Dieu avec son reptile
Reste là
Gros Saint Jean comme devant
Dépassé par les événements.
Ce texte est paru d’abord dans Histoires de Prévert, mais je l’ai repêché dans Jacques Prévert un poète (Folio junior, Gallimard, 1980, p. 149), un cadeau de mon bouquiniste Denys, sachant mon amour pour cet écrivain.