Qu’arrive-t-il de vos lettres non réclamées aux États-Unis ?
Un article du Boston Evening Transcript nous renseigne sur ce que deviennent aux États-Unis les lettres tombées au rebut.
Celles qui proviennent du Canada, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, de la Suisse, du Sud-Amérique et de l’Australie sont, par suite d’une convention spéciale, jetées aussitôt au feu.
La France, l’Italie, la Russie, l’Espagne, la Norvège, la Suède, le Danemark et la Belgique montrent pour la correspondance de leurs nationaux un peu plus d’intérêt : elles les réclament intégralement, et la Russie pousse même la sollicitude jusqu’à faire recommander ses retours.
Le pays qui fournit le plus de besogne au Dead Letter Office (bureau des lettres au rebus) est l’Italie : la raison en est à la fois curieuse et simple : l’Italien qui écrit à son compatriote émigré aux États-Unis néglige aisément d’affranchir sa lettre; le destinataire, de son côté, ne se soucie guère de payer la double taxe. Il lui suffit généralement de reconnaître l’écriture de l’envoyeur et de lire le nom de la ville d’où provient la missive; il en conclut que son correspondant se porte bien et rend la lettre au porteur… sans la décacheter. On ne saurait économiser plus sagement.
Le nombre de lettres mortes reçues au bureau de Washington est monté, cette année, au chiffre énorme de 590,662; et, cependant, l’administration américaine ne néglige rien pour faire parvenir aux destinataires leur correspondance; la raison «adresse suffisante» n’existe pas pour elle et la division étrangère du Post Office possède des employés d’une sagacité merveilleuse. Telle cette fameuse miss Clara Richter, qui découvre dans le mot barbare «Susarmeri» le nom de «Sault-Sainte-Marie», lit «Chinèse Camp, Tuocham Toulocontus» et sait que «Grym Pantewnia» signifie «Grym Point Avenue».
L’Étoile du Nord (Joliette), 4 octobre 1894.