«Le temps jaune»
Il y a de ces jours étranges parfois au Québec, des jours de temps jaune. Saint-Hyacinthe, en Montérégie, en sait quelque chose.
Le temps jaune. Bien des gens se sont demandé à quoi il fallait attribuer la teinte jaune du ciel dimanche [le 2 septembre]. Ce phénomène a été produit par une immense nappe de fumée produite par les épouvantables feux de forêts qui ravagent depuis quelques jours une grande partie du continent.
La Tribune (Saint-Hyacinthe), 7 septembre 1894.
Pas très loin, à Saint-Jean-sur-Richelieu, on a aussi vécu le temps jaune.
Le temps couvert, triste et blafard que nous avons depuis dimanche dernier [le 2 septembre] est dû en grande partie aux feux de forêts qui sévissent avec rage dans les États du Wisconsin et du Michigan.
Le Canada français (Saint-Hyacinthe), 7 septembre 1894.
Le quotidien montréalais La Patrie, du 4 septembre 1894, s’attarde à ces feux de forêts.
Les feux de forêts ont fait des ravages considérables dans l’Ouest. Les traverses de chemins de fer, les poteaux de télégraphe, les clôtures et les ponts, tout a été brûlé. Les trains qui passaient dans la région ont été retardés à cause de la fumée et plusieurs voyageurs ont failli mourir asphyxiés. Le feu se répandait à une vitesse étonnante et ses ravages s’étendaient à la rapidité de soixante milles à l’heure.
Deux des personnes qui ont été témoins de ces désordres racontent que samedi soir vers cinq heures elles furent incapables de se rendre jusqu’à Pokegama. Tous les habitants s’étaient jetés à la rivière pour échapper aux flammes.
Les uns avaient les pieds et les mains brûlées, d’autres étaient tellement asphyxiés par la fumée qu’ils ne pouvaient rien voir et étaient incapables de respirer. Des voisins furent de leur donner leur linge de corps pour faire des pansements aux blessés. […] On évalue à 350 le nombre des personnes qui ont perdu la vie. Les maisons qui avaient été épargnées étaient transformées en hôpitaux pour soigner les blessés. […]
On rapporte qu’une grande partie de l’État du Wisconsin est en feu et que l’incendie a causé de grands dommages ainsi qu’un grand nombre de pertes de vie. Un petit village d’environ 500 habitants a été entièrement détruit, et on craint que tous les habitants aient péri. […]
Les lignes télégraphiques ont été coupées sur les voies de Chicago, St Paul, Minneapolis et Omaha, de sorte que les renseignements parviennent difficilement. Le dernier train venant du nord de Omaha est arrivé ici [à Eau Claire, Wisconsin] samedi après-midi à cinq heures, et aucun autre train n’est arrivé depuis.