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Le bourdon de Zamacoïs

bourdon

En 1911, le romancier, poète et journaliste Miguel Zamacoïs, fils d’un peintre basque espagnol et d’une mère française, a publié un livre étonnant. Amoureux des animaux, il célèbre un certain nombre d’entre eux sous forme de quatrains.

Ainsi, le 17 mai, on vous offrait son texte sur l’opillon. Le voici, ici, sur le bourdon. L’auteur s’amuse.

 

Le bourdon

Volant du lis au cyclamen

Avec des ailes froufroutantes,

Le bourdon, c’est un abdomen

Emportant six pattes pendantes…

 

Il surgit soudain dans l’azur…

C’est d’abord un petit point vague,

C’est un petit bolide obscur

Qui vient tout droit, et puis zigzague…

 

Dans l’air il fait un grand circuit…

Il se rapproche… Et l’on s’étonne

D’entendre tout à coup le bruit

Que cet avorton barytonne !

 

Pour un rien du tout, quel potin !

C’est le ronron d’une toupie,

Ou bien le grondement lointain

De quelque importante scierie.

 

Étant bourdon, dame ! en volant,

Nécessairement il bourdonne…

Il visite en aéroplan

La rhubarbe et la belladone,

 

Et, minuscule aviateur,

Quand il accoste le calice,

Débrayant le petit moteur

Immobilise son hélice. […]

 

Il est épais, commun, rustaud,

Et la plante la plus mignarde,

Fier de sa force de costaud,

Il la malmène à la hussarde !

 

— Bonjour ! C’est moi… moi le Bourdon !

Je viens dîner, les balsamines !

Je viens imprégner mon bedon

Du pollen de vos étamines !

 

Mes droits ? Ce sont ceux des plus forts !

Qu’opposez-vous à la conquête ?

Rien que le poids de mon gros corps

Vous fait déjà courber la tête !

 

C’est moi qui suis le conquérant,

Rafleur de savoureuse poudre !

C’est pour le spéculateur grand

Que le meunier petit doit moudre !

 

D’ailleurs bienfaiteur incompris.

Au cours de mon utile ronde,

Pour quelques fleurs que j’appauvris

Combien d’autres que je féconde ! »

 

Mais il se tait… Il mange, il boit,

Il se délecte, il se goberge…

Puis à reculons on le voit

Qui du frêle calice émerge…

 

Lourdement il prend son essor,

Soulageant la rose trémière,

Et barbouillé de poudre d’or

Il disparaît dans la lumière !

 

Michel Zamacoïs, L’Arche de Noé (Paris, Librairie théâtrale, 1911).

Merci à mon bouquiniste Michel Roy pour le prêt de cet ouvrage.

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