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«On ne nous fera pas taire»

Paris, jardin du LuxembourgCelles et ceux qui ont connu Paris ont besoin de célébrer cette ville après ce qu’elle a vécu cette année en janvier et novembre. Partout, ils répètent «On ne nous fera pas taire». Vient la diversité des manifestations.

On nous apprend, par exemple, que l’ouvrage d’Ernest Hemingway, Paris est une fête, un livre vieux de plus de 50 ans, se trouve présentement parmi les ouvrages les plus vendus. 28 000 exemplaires par semaine depuis le 13 novembre, selon le quotidien Le Monde.

À Montréal, dans Le Devoir du 24 décembre, le journaliste Christian Desmeules y va à sa manière en livrant un compte rendu du livre de Nicolas d’Estienne d’Orves, Dictionnaire amoureux de Paris, nouvellement paru, et du récit autobiographique de l’écrivain américain.

Desmeules rappelle qu’Hemingway était à Paris quand il a fait la connaissance de James Joyce, Ezra Pound, Zelda, Francis Scott Fitzgerald, et autres. J’aime qu’il nous ramène aussi le grand Alain Grandbois (1900-1975), qui dort maintenant dans son Saint-Casimir natal, et avait confié dans Visages du monde avoir «passé les plus belles années de ma jeunesse à Paris».

La légende, écrit Desmeules, veut même que Grandbois et Hemingway aient un jour fait connaissance au bar du Ritz : après que l’auteur de L’adieu aux armes eut tenté de le frapper, le poète québécois l’aurait envoyé au tapis au moyen d’une savante savate…

L’écrivaine québécoise Simone Routier (1900-1987) habitait Paris en ce temps. Dans son ouvrage Les Tentations (Paris, Éditions de la Caravelle, 1934), elle rend hommage à Paris. Voici quelques-uns de ses textes.

14 juillet

14 juillet, mot magique

Dont la puissance électrique

Trois jours durant se dilate et rutile,

Met des sauts de jeunesse

Dans les mollets et les chignons les plus séniles,

Et jette une joie épaisse

Par toute la ville.

 

Banderoles et farandoles

Traversent les rues comme des petites folles.

Du trottoir à la chaussée,

Les terrasses de café font tache d’huile

Tables et chaises longuement enchâssées

En tentacules puissants et fébriles.

Il faut surtout danser, l’accordéon se gondole

Et béguines, tangos et rumbas dégringolent.

 

Le feu de bengale éclate au pont de l’Alma.

Les balcons se fleurissent des derniers impotents

Restés au dedans.

Sur les quais, en bas, grand branle-bas.

L’ambitieuse féérie se mire à l’infini dans l’eau.

Et c’est à qui pousserait les cris les plus hauts

De la foule grouillante des gosses et des badauds,

Le long des péniches conviées au gala.

 

Nous avons vu défiler ce matin

Légionnaires, fusiliers, spahis et fantassins.

C’est la fête de la République,

Braillons la «Marseillaise».

Rions, buvons et dansons à notre aise.

Vive la prise de la Bastille !

Vivent les jolies filles!

Et vivent les bonnes fortunes des bals publics !

(1933)

 

Soir de Paris

Certain soir de juillet, par la croisée ouverte,

À la nuit recueillie une musique offerte,

Un doux chant d’orgue aux longs éclatements feutrés,

Tout un cœur haletant profusément livré.

 

Au fond d’un bas miroir, sous la clarté voilée,

Avec grâce persiste, image profilée,

Une forme ingénue, une femme, un enfant

Comme une fleur, ployante en ce soir étouffant.

 

Un soir lourd de juillet, une blonde étrangère

À son balcon attarde une ombre passagère.

Trop longtemps, solitaire, elle écouta frémir

Paris, l’ivre amoureux, et ne sait plus dormir.

 

Et puis Simone Routier fait cette proposition à Alain Grandbois :

À la Coupole

Mets ton smoking.

Viens au dancing.

Il vente dans les voiles,

Un air d’accordéon

Te coulera du plomb

Au cœur et dans les moelles.

 

Dansons sous les miroirs.

Frôlons les beaux métèques.

Toi, dissèque les Grecques,

Cherche les cheveux noirs

Aux nuques platinées

Et laisse-moi penser

Comment pourrait danser

— À d’autres destinées —

 

Ces belles mains là-bas,

Cet homme seul à table.

Son œil impénétrable

Est couleur de lilas.

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