«Le gui et le houx»
Le temps des Fêtes a ses plantes, bien sûr. Nous nous y arrêtons. La Patrie (Montréal) du 19 décembre 1903 nous le propose.
Les plantes de la Noël sont le Gui aux perles blanches et le Houx aux baies écarlates.
Les jeunes druides en sabots, munis de serpette vulgaire en guise de serpe d’or, s’en vont ramasser le gui dans les forêts.
Un curieux végétal, le gui ! Lorsqu’on coupe cette touffe de pâle verdure, on remarque que la section de la tige présente dans ses cercles et ses rayons une frappante image du soleil. De là, sans doute, l’antique vénération dont jouit, pendant tant de siècles, cette plante sacrée.
Sous l’aisselle des feuilles mélancoliques du gui poussent des fleurettes jaunes, produisant des fruits mignons qui ressemblent à des groseilles blanches. En écrasant ce fruit coquet, on trouve une graine argentée qui pousse en germant deux radicelles vertes qui ne descendront jamais sur la terre. Elles enfonceront leurs suçoirs avides dans l’arbre dont le gui, parasite insatiable, absorbe la sève, j’allais dire le sang.
«Au gui de l’an ! Au gui nouveau !» C’est dans les rues de Paris qu’il faut entendre les marchands de fleurs pousser ce cri : «Au gui de l’An !»
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Pendant les fêtes de Noël et du jour de l’An, le houx étale dans les demeures des pays du nord de l’Europe son luisant feuillage constellé de baies rouges et charmantes.
Sur les marchés de Paris, on débite à profusion de ces gerbes riantes qui semblent teintées de gouttes de sang.
En Suède et en Norvège, le houx aux fruits de carmin est le bouquet classique de la Noël et du jour des Rois. De même en Angleterre.
En Alsace, le houx mêle ses baies écarlates aux rameaux verts de l’arbre de Noël qui, chargé de lumières et de jouets, étincelle sur les nappes blanches du festin.
Tandis que les cloches carillonnent joyeusement dans les campagnes et que l’oie, fumant comme un volcan, embaume la maison, les enfants éblouis grimpent sur les chaises et les bancs pour cueillir les fruits merveilleux de l’arbre enchanté et chrétien
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Le houx, arbrisseau d’ordinaire assez modeste, atteint parfois d’énormes dimensions. Dans le pays de Galles, près de Lhanidoes, au centre de la propriété du colonel Lloyd-Verney, existe un houx gigantesque qui fait l’admiration des touristes et des savants.
Ce houx colossal, âgé d’environ six cents ans, est certainement le doyen de tous les houx d’Europe. En 1836, cet ancêtre du monde végétal mesurait déjà vingt-huit pieds de circonférence au-dessus des racines, et soixante pieds de haut. Aujourd’hui, il dépasse trente pieds de circonférence. De ses seize branches principales, ce géant couvre une superficie d’environ soixante-six pieds de diamètre. Toujours plein de vie, cet admirable patriarche donne, chaque année, naissance à de nombreux et superbes rejetons.
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Avec ses feuilles d’émeraude et ses perles de corail, le houx n’est pas seulement un rameau de fête aimé de la Noël.
Cet arbuste, toujours, vivant sous son immuable verdure, abonde dans les cimetières des pays du Nord.