Constats d’une mère venu d’une réflexion sur l’avenir de sa fille
Soudain, on lit dans la presse ancienne un texte accrocheur et l’on se demande : «Quel discours tiendrait cette personne aujourd’hui, en l’an 2015 ?» Voilà ce qui me vient rapidement à l’esprit à la lecture du propos de cette mère qui signe Une Maman. Le quotidien La Patrie lui donne toute la place le 14 octobre 1905. Retour dans toute une époque. Extraits.
Ce n’est pas le moindre souci d’une mère que le choix d’une profession pour ses filles. Autrefois, il n’y avait qu’un seul but à leur établissement : le mariage. Tous les efforts, tous les sacrifices pécuniaires ou autres ne tendaient qu’à cela.
Aujourd’hui, les conditions sociales se sont tellement transformées que le mariage, dans la petite bourgeoisie et dans les classes non fortunées, est devenu un sommet de plus en plus inaccessible. Sur la carrière des femmes, moins que sur aucune autre partie de l’éducation, il n’est permis d’établir une règle générale.
Quelques grandes villes offrent certains avantages aux femmes qui désirent conquérir l’indépendance par le travail.
Mais que de cités somnolentes ou mortes, que de pays reculés, que de campagnes éloignées d’un centre où les natures laborieuses et ambitieuses ne trouvent aucun débouché.
Les professions féminines se divisent en plusieurs catégories restreintes qui se sont augmentées depuis peu de certaines autres réservées jusqu’ici à l’élément masculin.
Le Barreau, l’École des Beaux-Arts, la Faculté de médecine reçoivent maintenant des élèves des deux sexes; les femmes y sont encore peu nombreuses, mais le contingent s’accroîtra d’année en année et, dans vingt ans, nous aurons des doctoresses, des avocates, des peintres et des compositeurs dans des proportions énormes.
Le théâtre tente aussi la jeunesse et, malgré qu’il n’y ait plus sur les comédiens cette réprobation qui les faisait considérer comme des créatures maudites, il ne manque pas de parents dont le simple bon sens s’insurge contre ses mœurs légères au milieu desquelles une femme honnête a bien de la peine de rester sage.
Nous n’entreprendrons pas de guider les filles d’ouvriers pas plus que nous essaierons de diriger les demoiselles du monde. En bas de l’échelle sociale, il n’y a pas beaucoup de choix; c’est ou le travail de fabrique si dangereux à tous les points de vue, ou l’atelier de couture, de lingerie, de repassage, etc. […]
Dans le monde, la dot remplace la profession : les demoiselles nobles ayant un petit apport préféreront toujours courir la chance de conquérir un mari, à la déchéance du travail manuel.
Ne nous occupons donc que des classes moyennes, ce sont les plus sacrifiées et les plus intéressantes, en ce sens que les goûts, les désirs et l’éducation n’y sont pas en rapport avec la situation financière.
Malheureusement, la vie nous pousse dans des chemins où nous ne nous engageons pas toujours de plein gré et, quoique protestant intérieurement, nous devons marcher avec le flot impulsif des idées nouvelles.
Puisque la jeune fille de la petite bourgeoisie perd peu à peu l’espoir d’avoir un foyer dont elle sera l’âme et autour de qui graviteront le chef de famille et les enfants, puisque la cruauté de la destinée la force à renoncer aux joies de l’épouse et de la mère, il faut bien qu’elle cherche autrement ses moyens d’existence. Sans patrimoine et sans profession, que deviendrait-elle ? Ne vaut-il pas mieux le travail avec l’indépendance que la pauvreté dans la solitude, ou que les tristesses amères d’une union mal assortie ?
Étrange qu’un texte de 1905 parle de faculté de médecine ouverte aux femmes… alors qu’elles n’y ont été admises qu’en 1918, et encore, seulement à l’université McGill, anglophone(qui avait ouvert le Barreau à la gent féminine en 1911 et pas avant). La première femme admise en médecine dans une université francophone le fut en 1925…
J’ai quelques ouvrages sur l’histoire de la médecine, je n’ai pas vérifié ce propos. Mais je sais que la première femme dentiste au Canada remonte à 1898, Emma Gaudreau, du Collège des dentistes du Québec, originaire de Montmagny.
Lorsque dans un texte ancien, l’auteur de l’époque y va d’affirmations, vous comprendrez que je n’ai pas le temps de vérifier toutes les avancées de cet auteur, sinon, faute de temps et sous le poids de la folie à courir la véracité des dires anciens, j’aurais déjà fermé depuis longtemps ce site qui me demande beaucoup d’ouvrage.
Et je suis certain que vous êtes consciente que chaque visiteur qui ose fréquenter ce site doit lui-même se faire une tête par rapport aux discours qui s’y tiennent, y compris les miens.