Skip to content

«Le grand jour»

hommage a ludger duvernay La Patrie 20 juin 1903

Demain, c’est la Saint-Jean. Le jeune Alfred Descarries (1885-1958), 18 ans, veut sonner la cloche. Montréalais, il envoie ce billet au quotidien La Patrie, qui le reproduit le 23 juin 1903.

D’où vient cet enthousiasme, ce subit élan de patriotisme dont nous sommes tous animés à la veille du jour retentissant qui va luire bientôt pour notre race ? Y a-t-il un Canadien capable de répondre à cette question ? Je dirai non devant les apprêts grandioses et la rivalité déployés à l’effet d’aviver dans l’âme canadienne-française les événements sublimes des anciens jours.

L’heure va sonner demain où jetant un regard en arrière nous nous écrierons simultanément : «O Canada, mon pays mes amours » ! Et, dans cette communion des cœurs, exaltant un passé fécond en héroïsme, chacun songera aux jalons bénis faits dans notre pays pour le triomphe d’une sainte cause, alors que le sol canadien était une immense forêt vierge dressant sous tous nos horizons ses cimes d’arbres séculaires.

Tel l’enfant grandit, se développe sous l’œil maternel, tel notre peuple a grandi, s’est accru sur les bords du Saint Laurent majestueux. On ne peut s’arrêter à cette idée sans émotion : c’est là toute notre histoire, nos infortunes comme nos succès, qui surgissent soudain dans le cœur de la nation entière évoqués par une coutume traditionnelle datant de 1834, legs du magnanime Duvernay.

Ce nom-là est gravé au burin de l’histoire et doit être acclamé avec ceux de Champlain et de Maisonneuve. Duvernay, ardent patriote, lutteur infatigable, a voulu, par une action méritoire, entretenir l’amour de la patrie vivace dans tous les cœurs, et il fonda dans ce but la Société St-Jean Baptiste.

Peut-être ce brave prévoyait-il pour un avenir prochain des heures d’angoisses et d’amertumes, dont il voulait atténuer l’accablement en unissant davantage les enfants d’une même nation.

Les revers de la lutte peuvent paraître inconsolables, mais si le patriotisme resserre l’union d’un peuple éprouvé, il se relèvera moins atterré de la lutte. 1837-38 passèrent, années sanglantes, phase désespérée qui fit se lever, farouche, l’oppressé contre l’oppresseur.

À St-Denis et St-Eustache entre autres, tombèrent victimes du conquérant jaloux des masses stoïques de vaillants sous un ennemi vingt fois supérieur en nombre. Ce fut là l’anéantissement des plus nobles efforts, dernière page teinte de sang dans l’histoire canadienne-française.

Depuis, des jours meilleurs sont venus nous faire oublier sans doute la tyrannie de jadis, mais non la vaillance immortelle de nos aïeux.

La fête inoubliable qui se prépare est un hommage aux valeureux ancêtres, n’oublions pas notre ancienne mère-patrie dans cette louange unanime; malgré ce qu’en disent quelques-uns, nous ne saurions garder une rancune éternelle à la France pour diverses raisons que l’on sait. La Saint-Jean-Baptiste est la fête nationale des Canadiens, il ne peut se faire que ce ne soit aussi un peu celle de notre chère France !…

 

La gravure, un hommage à Ludger Duvernay, fondateur de la fête nationale en 1834, est parue dans La Patrie du 20 juin 1903.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS