«Feux dans les bois»
Au Québec, le printemps de 1903 est remarquable pour ses feux de forêts dans plusieurs régions. Voici une courte nouvelle sur certains d’entre eux parue dans La Patrie du 25 mai.
Des feux de forêt désastreux sévissent depuis samedi, l’après-midi, sur la rive sud, entre Sorel et Contrecœur. De magnifiques forêts de pins ont été complètement rasées.
On dit que l’incendie a été causé par des étincelles tombées des locomotives du chemin de fer de la Rive Sud.
Samedi soir et hier soir, le spectacle était grandiose. Les coteaux en feu étaient sur une longue distance et leurs rouges reflets embrassaient le firmament.
Les dégâts seront considérables, si une pluie abondante ne vient pas éteindre les flammes. On craint que le feu ne se communique aux habitations et aux granges, et que les animaux qui paissent dans les champs ne soient brûlés.
Mais il y a plus : la journée du 3 juin.
Dans L’Album universel (Montréal) du 13 juin 1903, le chroniqueur Léon Ledieu écrit:
La journée du 3 juin laissera un souvenir peu agréable dans la mémoire de beaucoup de personnes.
Le district de Québec a été terriblement éprouvé ce jour-là, et tout le long du chemin de fer du Lac Saint-Jean, les rares voyageurs, qui se sont aventurés sur les trains de cette région, disent que jamais ils n’ont vu de spectacle aussi terrifiant. Du feu partout ! De tous côtés une mer de feu !
À Québec même, l’atmosphère, tout imprégnée de fumée, s’obscurcit d’heure en heure jusqu’à ce qu’enfin, à deux heures, il devint dangereux de s’aventurer dans les rues, et nécessaire d’allumer partout. Cela dura jusqu’à quatre heures, alors que la «grande noirceur» diminua pour faire place à un jour blafard.
Chaque année, nous assistons à des feux de forêts, mais il y a longtemps que l’on n’avait vu pareil spectacle.
Des Européens fraîchement débarqués, pris de peur, se demandaient s’ils ne devaient reprendre le vapeur et s’en retourner chez eux, mais le calme des Canadiens leur en imposa probablement, car ils sont restés.
L’illustration, «Feu dans les bois», une huile sur toile du peintre Maurice-Élie Sarthou (1911-1999), né à Bayonne, apparaît sur le site qui lui est consacré. La photographie est de François Devos, Paris.