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Hardi les gars, vire au guindeau

hardi les gars vire au guindeauNous n’avons pas idée du tribut qu’il fallait payer à la mer voilà un peu plus de 100 ans. Les journaux rappellent quasi quotidiennement des naufrages, évocations qui, mises bout à bout, tiendraient de la litanie.

À l’occasion naufrage du Valencia sur la côte ouest de l’île de Vancouver qui, dit-on, emportent 150 personnes, «pour la plupart des femmes et des enfants», celui qui signe simplement Robert a envie de témoigner. Son billet fait la une de l’hebdomadaire montréalais Le Bulletin du 4 février 1906.

Attention : tristesse.

Elles sont terribles ces catastrophes de la mer !

Qui dira les suprêmes angoisses de ces infortunés qui se voient mourir en pleine santé, sans espoir de salut ? Qui ne se sent le cœur douloureusement serré en pensant à ce pauvre petit enfant du «Valencia», criant à ses père et mère noyés sous leurs yeux, et lui-même disparu quelques instants plus tard ?

Combien de victimes endormies, bercées par de doux rêves, ont été réveillées par le choc sinistre et sont mortes, dans leurs cabines, après quelques minutes d’une angoisse sans pareille ?

Et ces milliers de navires partis et qui jamais ne sont revenus. Il faut avoir vécu parmi les pêcheurs à Terre-Neuve, à St-Pierre et Miquelon et sur les côtes bretonnes pour comprendre l’étendue des désastres que la grande mer apporte chaque année.

Où sont les joyeux équipages de jeunes hommes de ces navires pêcheurs qui partaient pleins d’espoir pour gagner le pain de leurs mères ou la dot de leurs fiancées ? Qui nous dira comment ils sont morts ? Est-ce l’abordage dans les parages embrumés par l’incendie en plein océan, ou par la tempête, brisés sur les rochers peut-être à la porte du port !

Équipages pleins d’ardeur et de courage des «Quatre Frères», des «Deux Cousins», de «l’Ella», du Rocabey» et de tant d’autres navires, vous ne vous doutiez guère alors que vous partiez en chantant, que vous faisiez le grand voyage de l’éternité et que jamais plus vous ne reverriez la Bretagne ou St-Pierre.

Hélas ! ceux qui dans tous pays ont payé le tribut que prélève tous les ans la mer, n’ont pas encore été des plus malheureux.

Leur départ a brisé longtemps le cœur des veuves et des orphelins qui restent. C’est le malheur pour toujours au foyer si heureux naguère et, avec les souffrances morales, c’est pour les mères et les épouses malheureuses, l’effrayante appréhension du lendemain, le souci matériel du pain à trouver pour les petits.

C’est peut-être là le douloureux secret, pourquoi les femmes bretonnes de mon pays ont sur le visage cette empreinte mélancolique qui leur donne un aspect si sévère.

Les épargnées de la veille songent sans doute aux jours qui suivront; peut-être aussi lugubrement tristes pour elles que pour leurs compagnes éprouvées, et la vision du voile de veuve qui les hante a gravé sur leurs fronts une éternelle tristesse.

Malgré tout cela, le soleil printanier continue à saluer le départ des gars de la grande pêche qui s’en vont toujours en chantant gaiement les populaires refrains des matelots.

Partant avec l’espérance d’un joyeux retour, c’est pour eux l’oubli des futures souffrances, qui seul peut donner aux gens de mer le courage d’affronter les danger de leur vie laborieuse.

 

L’image de marins chantant au Festival du Chant de Marin de Paimpol, sur les Côtes d’Armor, provient du billet suivant de Fergus sur Agora Vox, Le média citoyen.

Si vous ne connaissiez pas la chanson «Hardi les gars», la voici.

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