Serez-vous là pour observer le passage de Vénus devant le soleil ?
Les amants du ciel sont heureux. La Patrie du 4 décembre 1882 annonce le «passage de Vénus» dans 48 heures.
Le phénomène astronomique, qui doit se produire après demain, commence à passionner la masse du public. Pour le monde savant, c’est tout un événement qui doit avoir des résultats immenses. Il s’agit en effet de préciser la distance entre le soleil et la terre et, vu que l’expérience ne peut se faire que si le ciel est serein au-dessus des observations, il est facile de s’imaginer l’anxiété des astronomes.
Vénus est une planète inférieure à la terre; elle est placée entre cette dernière et la planète Mercure.
En accomplissant sa révolution autour du soleil et, lorsqu’elle est au point le plus rapproché de notre planète, elle en est cependant encore éloignée de 24,000,000 de milles. […]
Le passage de Vénus sur le soleil ne s’opère qu’à de rares intervalles. Celui de mercredi ne se renouvellera pas d’ici à cent ans.
Jusqu’aujourd’hui, ce phénomène n’a été observé que trois fois : en 1659, en 1769 et en 1874. Afin de l’étudier sous toutes ses phases et pour rendre les calculs encore plus exacts, des savants de toutes les nations sont disséminés sur différentes parties du globe. Tous les gouvernements ont mis des sommes considérables pour assurer la réussite des études. […] Le parlement fédéral a voté, à sa dernière session, une somme assez considérable pour faciliter dans le Canada les observations des savants aux observatoires de Toronto et de Montréal.
Le passage de Vénus en 1882 sera visible sur tout le continent américain. La planète sera probablement visible à l’œil nu, mais il vaut mieux, pour ceux qui n’ont pas de télescope à leur disposition, l’observer avec l’aide d’une vitre coloriée ou fumée. […]
Toutes les précautions ont été prises à l’observatoire de l’Université McGill, en cette ville, pour obtenir un résultat complet, si les nuages ne viennent pas obscurcir la surface du soleil.
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Deux jours plus tard, La Patrie écrit :
Il serait curieux aussi bien qu’impossible peut-être de savoir combien de savants et d’astronomes d’occasion étaient aux aguets ce matin pour observer le fameux passage de la planète Vénus sur le soleil. Hélas ! Vennor l’avait prédit. Les nuages devaient voiler les formes de l’astre voyageur et mettre le désespoir dans l’âme des milliers qui avaient fait de grands préparatifs pour l’occasion.
Cependant, vers 10.30 heures, une lueur d’espoir a apparu avec les premiers rayons du soleil perçant les nuages, et des milliers de lunettes à verre fumé se sont braquées sur l’astre du jour. Jamais peut-être il ne s’était vu l’objet de tant d’attention et de curiosité.
Ceux qui ont profité de cette éclaircie n’ont pas eu à le regretter, car, même avec un simple morceau de verre fumé, ils ont pu voir la planète s’avancer sur le disque du soleil.
Elle paraissait alors à quelques pouces du limbe intérieur et comme un simple point noir ayant la forme et le diamètre d’une pièce de deux cents, marchant de gauche à droite.
Malheureusement, les nuages n’ont pas tardé à obscurcir de nouveau le soleil et les observations n’ont duré qu’une dizaine de minutes.
Dans l’illustration ci-haut, on aperçoit Vénus au sud-est de la lune. La photographie de Sean Rozekrans apparaît sur la page Wikipédia consacrée à notre planète voisine.
Sur ce site, on trouvera aussi un autre billet au sujet de la planète Vénus.
Contribution à une histoire du ciel.