Une longue évolution : celle de nos ustensiles
Il n’y a pas de sotte histoire. Tout peut captiver. Voyez, par exemple, ce texte d’Élie Frébault : Les ustensiles de table d’autrefois. Le quotidien montréalais La Patrie en fait sa une le 18 décembre 1880. Aujourd’hui, cet article ferait partie de la nouvelle histoire.
Il est des choses d’un usage tellement répandu, tellement indispensable, qu’on est tenté de croire qu’elles ont toujours existé depuis que les hommes, réunis en société, ont cessé de se nourrir de glands et sont sortis de l’état de barbarie primitive. Et, cependant, il est loin d’en être ainsi. […]
Au temps de Charlemagne, les convives s’asseyaient sur des coussins autour d’escabeaux, faits des métaux les plus précieux tels que l’or et l’argent, et ornés de sculptures et de dessins.
Ce n’est que trois siècles plus tard, en plein moyen âge, que l’on voit apparaître la table en chêne, dressée sur des pieds et entourée de bancs au dossier sculpté.
Quant aux cuillers, il est évident qu’elles sont en usage depuis que la soupe est inventée. Pour puiser dans un vase un liquide brûlant, il n’y avait que ce moyen possible. La première cuillère a dû être un coquille creuse ramassée sur le rivage.
La fourchette ne date que du 17e siècle. […] Chez les Grecs, au plus beau temps du luxe, on mangeait avec ses doigts; Plutarque donne à ce propos des règles à suivre pour le faire avec grâce. Chez les Romains, on fit comme chez les Grecs, les mains n’eurent pour auxiliaires que des cuillers et des couteaux. […]
Pour que les fourchettes viennent prendre place dans les repas, il faut attendre que l’orfèvrerie soit arrivée à un assez haut degré de prospérité. Alors elle invente la fourchette, non pas comme une chose utile, indispensable, mais comme un objet de luxe; et, en 1300, on voit Pierre Gaveston, favori d’Édouard II, posséder trois furchestes pour mangier poires.
Ainsi, les fourchettes ne sont tout d’abord employées que dans des circonstances où l’on pourrait s’en passer : Mangier poires et grillades de fromage. Pour la viande et le poisson, il faut attendre encore au moins trois siècles.
Les verres et coupes à boire, en verre bien entendu, restèrent assez rares jusqu’au 15e siècle, époque à laquelle Venise commença à répandre ses produits. Sur les riches dressoirs et sur la table des rois, on trouvait bien quelques verres montés en or ou argent, enrichis de pierres précieuses; mais, dans la vie usuelle, on se servait généralement de coupes en étain ou en bois d’érable.
Ces vases, enrichis par la monture, prenaient place sur le buffet des seigneurs.
Quant aux coquetiers et aux salières, on fut bien longtemps sans en connaître l’usage. Au 16 siècle, on appelait le coquetier un engin à asseoir œufs. La salière, qui, à la table des rois, occupait la place d’honneur, était presque toujours une pièce d’orfèvrerie remarquable. On cite celle que Benvenuto Cellini fabriqua pour François 1er.
Dans les repas ordinaires, la salière, nous dit Olivier de La Marche, était tout simplement un morceau de pain découpé et creusé pour recevoir le sel, que chaque convive plaçait à côté de son assiette.
Ci-haut la belle cuillère gravée en os de renne provient du site préhistorique de Fontalès, Tarn-et-Garonne, en France. Elle remonte au Magdalénien supérieur (entre 13 500 et 12 000 ans) et est déposée au Musée d’histoire naturelle de la ville de Toulouse.