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«Pauv’ Thasar» à l’hôpital

originaux et detraques

La nouvelle provient de Sainte-Anne-de-la-Pérade, une communauté sur les rives du Saint-Laurent, à une quarantaine de kilomètres à l’est de Trois-Rivières.

Dans le comté de Champlain, tout le monde connaît cet original qui a nom Balthasar Hamel. En voilà un dont la vie intéresserait autant le lecteur que la vie des «originaux et détraqués» que le regretté Fréchette a écrite de sa fine plume.

On a, ces jours-ci, trouvé Balthasar couché dans un fossé, privé de ses sens, malade.

«Pauv’ Thasar !» disaient les gens.

Des personnes charitables, au nombre desquelles mentionnons surtout M. J. Gordon, le relevèrent, le soignèrent, en prirent soin.

Le médecin fut mandé en hâte, et l’homme de l’art le déclara mourant. Le malade fut administré.

Or, il arriva que Balthasar prit soudainement du mieux, qu’il recouvra un tant soit peu ses sens.

Alors que faire du pauvre malade, lequel n’a pas de logis, si ce n’est la belle étoile ? Le conseil décida de l’envoyer à l’hôpital de Trois-Rivières, aux frais de la paroisse.

MM. Gordon et Guilbault furent chargés de le conduire à Trois-Rivières. Durant le trajet, Balthasar retomba dans son inconscience. Quand on le hissa dans l’ambulance à Trois-Rivières, il reprit connaissance. Le Dr Normand, appelé, déclara le malade sans danger, mais il ne put lui arracher une seule parole, si ce n’est celle-ci : «Donnez-moi à manger».

Naturellement, le pauvre homme se trouva surpris de se trouver couché dans un lit blanc et moelleux, lui qui n’avait eu, depuis des années, pour toute couchette que les fossés et la paille des granges, le foin des étables et les broussailles des champs.

Inutile de dire que, s’il prend du mieux, Balthasar Hamel nous reviendra sous peu, car Balthasar aime Ste-Anne de la Pérade. Il y mène, sans que personne s’en froisse trop, sa vie vagabonde.

Et attendant, les bonnes femmes, en pensant à ce pauvre déshérité, ne cessent de répéter : «Pauv’ Thasar!»

 

À la une de La Patrie du 9 octobre 1908.

Contribution à une histoire des populations vivant dans la marge.

L’illustration provient du site de la maison d’édition montréalaise du Boréal.

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