«Pronostics du temps par les bêtes»
Un quidam s’amuse à une nouvelle manière de proposer les pronostics du temps à venir à partir du comportement des animaux. Il leur donne la parole.
Coqs et poules — Qu’avez-vous donc à vous rouler ainsi dans la poussière ? cela n’est pas propre. — Nous secouons ainsi les puces qui nous piquent en signe de pluie prochaine. Alors, reprend le coq, s’il en est ainsi, il faudra que je sonne ma trompette quand le soleil sera couché, pour prévenir les camarades de ce qui nous attend demain.
Hirondelles — Volons bas, plus bas, nous ne prendrons pas un moucheron à la volée. Le temps se gâte.
Mouche — Plus d’eau nulle part, plus de rosée sur les plantes, un air de feu quand le pain cuit. Où se désaltérer en attendant la pluie qui tarde ! L’homme seul est encore humide; buvons sa sueur. Sus à la peau humide.
Mais l’homme regimbe : il tue plus d’une mouche ce jour-là. Tant pis ! mieux vaut mourir que d’avoir soif !
Chœur de grenouilles — Chantons ! voici venir la bienheureuse pluie, un déluge ! Brr ! couac ! couic ! couac !
Chœur de crapauds — Sortons de nos trous et promenons-nous dans le potager. Pendant le mauvais temps, les jardiniers ne promèneront pas ici leurs sabots.
Les vers de terre — Mettons tous le nez à la fenêtre : il y aura de l’eau. Hardi à la montée !
Les taupes — Dru, dru, travaillons, secouons la terre : les vers remontent à la surface, il y a de quoi souper. (Et les monticules de grossir à vue d’œil tout en s’éboulant.)
Canards et oies — Quand nous volons ça et là et que nous plongeons en criant, c’est que la bienheureuse pluie ou quelque réjouissant orage va enfin varier pour nous la monotonie d’un ciel sans eau.
Abeilles — Quand nos moissonneuses sont sédentaires ou qu’elles reviennent de bonne heure des champs, sans avoir leur charge de pollen, le temps n’est pas sûr. Il y a de la pluie dans l’air.
Pigeons — Nous rentrons tard quand il n’y a pas de beau temps à espérer pour le lendemain. Ne faut-il pas profiter de la soirée et nous donner un peu de plaisir ? On a bien le temps de rentrer au colombier !
Moineaux — Nous sommes naturellement criards, mais nous redoublons le soir, quand le ciel menace de pluie, le baromètre descend.
Bœufs, dindons, tout bétail qui fait troupe — Serrons-nous les uns contre les autres, nous serons moins mouillés et moins tourmentés par le vent qui se lève.
Moutons — Broutons ferme, la pluie n’est pas loin !
Le Canadien (Québec), 30 septembre 1881.