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Oh là là, Monsieur Sylva

Sylva Clapin

Sylva Clapin

Le journaliste et linguiste québécois Sylva Clapin, né à Saint-Hyacinthe en 1853 et décédé à Ottawa en 1928, est surtout passé à l’histoire pour son Dictionnaire canadien-français publié en 1894. Mais il a publié plusieurs autres ouvrages, dont Sensations de Nouvelle-France en 1895, dont voici des extraits.

Par ailleurs, traversant les journaux anciens, on s’imagine qu’on va invariablement y trouver des «sans-espoir», des complaisants, des «mous» à l’égard des autorités, religieuses, politiques ou patronales. Oh là là, voyez Sylva !

 

Le paysan canadien est un indifférent à tout, un homme à l’œil atone, un résigné et d’une grande paresse d’esprit.

Les églises affichent des airs prétentieux de cathédrale qui étonnent le regard, dans la plaine dénudée où les choses ont un caractère saisissant de pauvreté douce et résignée.

Les élèves du collège de Montréal et de toutes les institutions classiques du pays sont des fruits secs et des ratés.

Mgr Laflèche [l’évêque de Trois-Rivières] étend son omnipotence sur sa ville épiscopale et bien aux alentours, comme un manteau de plomb.

Les pompes extérieures de la foi sont surtout le propre des tempéraments des races latines faits de mysticisme enfantin et d’esthétique quelque peu théâtrale.

L’épopée de la France, dans le Nouveau Monde, est une épopée belle, mais quelque peu Don Quichotte.

La soupe d’abord, Dieu ensuite. […]

Le peuple canadien, bien que né d’hier, penche déjà vers la tombe et même il y aspire de toute la force d’une morne et infinie désespérance.

Toutes les velléités françaises n’existent plus qu’à la surface. Au fond, les Canadiens-français tendent, dans un acheminement libre et naturel, à la fusion avec la race dominante, et glissent par une pente rapide au gouffre anglo-saxon.

Le patriotisme du Canadien est fibre morte, du haut en bas de l’échelle, c’est-à-dire non seulement dans les masses, mais même dans les classes cultivées, jusque parmi ceux qui ont mission de diriger et de gouverner.

Le clergé a tellement martelé en tête la résignation — version théologale et séminariste — que les Canadiens ont fini par en recevoir dans le cou comme une cassure qui leur donne l’attitude passive des bêtes de joug.

Les Canadiens sont des nouveaux Tartarins, gonflés de vent et de jactance.

À Québec, quand le carrosse rouge du cardinal roule à travers les rues, cela vous a des fulgurances de char apocalyptique, devant lesquelles les foules restent, non pas émues, mais terrassées, comme hypnotisées.

Les Québecquois sont des résignés qui vont se coucher au coup de canon de neuf heures [l’heure où le canon tonne à la Citadelle, à Québec].

 

L’article de La Tribune (Saint-Hyacinthe), du 24 mai 1895, est intitulée «Stupide». Il est signé : Pierre Grouvelle. New-York, 9 mai 1895. Et ce dernier ajoute, à la suite du texte de Clapin :

Toutes ces insanités, sorties du cerveau d’un mécontent, d’un raté du collège classique de St-Hyacinthe, sont élégamment habillées, je le concède. Je concède aussi à M. le rédacteur du National que l’auteur de Sensations de Nouvelle-France écrit mieux sa langue qu’aucun de ceux qui épluchent sa plaquette; mais cette plaquette, quelque bien écrite qu’elle soit, quand elle porte en elle des monstruosités et des vilénies, n’est-elle pas, qu’on me pardonne cette réminiscence biblique, «une truie avec un anneau d’or dans le nez».

 

La photographie de Sylva Clapin est parue dans Le Monde illustré du 22 décembre 1900. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Clapin, Sylva, 1853-1928».

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