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Immense incendie dans Saint-Sauveur, à Québec

À l’image de Hull, à la frontière avec l’Ontario, la ville de Québec est reconnue pour le grand nombre d’incendies qu’elle a connus. En 1889, Saint-Sauveur est une petite ville qui ne s’est pas jointe encore à la ville de Québec. Et elle ne dispose pas de services publics comme l’aqueduc et les égouts. On imagine donc qu’une population modeste habite l’endroit.

Le mercredi soir, 15 mai 1889, à 11 heures et demi, le feu éclate chez madame Michael McKennen, boucher, au 114 rue Saint-Vallier, et se propage rapidement à l’arrière «dans différentes bâtisses sur le terrain connu sous le nom de Terrain Bédard».

«On manquait presque complètement d’eau et, après les quelques jours de sécheresse que nous avons eus, on s’imagine facilement quel progrès devait faire le terrible élément dans ce quartier dont presque toutes les maisons sont en bois. […] À deux heures, presque toutes les rues ou parties des rues Saint-Ambroise, Ste-Catherine, Parent, Chenest, Ste-Marie, Bédard, Saint-Louis n’étaient plus qu’une immense conflagration brûlant avec une intensité terrible et avivée par une violente brise du nord-ouest.»

Le 24 mai 1889, le journal La Tribune reproduit un article du quotidien L’Électeur paru à ce sujet sept jours auparavant.

Nous n’exagérons rien en disant que l’incendie d’hier est le plus considérable que nous ayions encore vu. Non peut-être par la valeur de la propriété détruite, mais certainement par le grand nombre de familles jetées sur le pavé. C’est l’une des parties les mieux bâties de St-Sauveur qui a été détruite hier, entre autres le quartier connu sous le nom de village Ste-Angèle.

Un grand nombre de propriétés d’une grande valeur ont disparu, entre autres la manufacture de machines agricoles de M. P. F. Légaré, et une foule d’élégantes résidences privées.

Nous renonçons à peindre l’aspect désolé qu’offrait le théâtre du sinistre pendant la journée d’hier. En circulant dans les étroits sentiers qui avaient été des rues, mais qui se trouvaient rétrécis par les décombres, on croyait marcher dans les allées d’une nécropole. Le fer et la brique seuls avaient résisté à l’action du feu; mais le brasier avait été si ardent que peu de pans de murs étaient restés debout, et que seules les cheminées restaient pour indiquer les habitations.

Ce n’est pas non plus aisé à décrire que la fuite des familles cherchant un refuge dans les champs voisins, courant dans la boue sous la pluie qui commençait à tomber, poussée part un vent glacial du nord-est, les femmes entraînant leurs enfants, les demandant à tout venant quand elles en étaient séparées par la cohue, les hommes emportant à bras tout ce qu’ils pouvaient sauver de leur mobilier et entassant cela pêle-mêle dans les champs.

Les terreurs, les angoisses, le froid, la lassitude, toutes les douleurs morales et physiques des fugitifs; les actes de dévouement et d’héroïsme; les scènes navrantes des enfants souffreteux pris de mortels frissons et regardant tout sans rien y comprendre, des bébés dormant impassibles dans leurs berceaux en plein air, des malades, des infirmes portés sur des litières, des femmes en couches arrachées de leur lit, et pour lesquelles on renversait des tables ou des voitures pour leur faire un abri : tout cela ne se décrit point. Il faut voir ces choses pour y croire, tellement elles sont saisissantes, bizarres, incohérentes.

À côté du drame, du burlesque, mais qui ne porte guère à rire en ces graves moments : des absences d’esprit, des promiscuités inattendues; en plein jour, on rencontrait de pauvres femmes inconscientes portant des lampes allumées.

 

On répète qu’il y eut sans aucun doute plus de 500 maisons brûlées. Qu’est-il advenu de tous ces sinistrés ? Beaucoup se sont réfugiés chez des parents, des amis, dit-on. Près de 150 familles ont trouvé place dans la grande halle du marché Saint-Pierre. Certains ont été logés au manège militaire ou dans l’ancien palais de justice, à Québec. «D’autres ont loué des logements vacants. Deux familles se sont prévalues de l’offre charitable de Madame Éleusippe Larue et se sont installées dans sa résidence du chemin Ste-Foye.» Mais, bientôt, il a bien fallu se rebâtir.

Quatre mois plus tard, le 17 septembre 1889, après un référendum, Saint-Sauveur s’annexait à Québec et pouvait disposer bientôt de l’eau courante et des égouts.

L’illustration d’une partie des ruines du quartier Saint-Sauveur, à Québec, après le grand feu de 1889, une photographie prise non loin du marché Saint-Pierre, est déposée aux Archives nationales du Québec à Québec, Collection initiale, Photographies, cote : P600, S6, D1, P749. Le marché Saint-Pierre, incendié en 1945, se trouvait à l’intérieur du quadrilatère des rues Saint-Vallier, Sainte-Thérèse, Durocher et Père-Grenier, là où se trouve aujourd’hui le centre Durocher, une institution dans ce quartier populaire en voie d’être démolie.

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