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L’élevage du mouton

Joseph-Alphonse Couture (1850-1922) a mené au Québec une longue carrière de médecin vétérinaire. Il s’est battu, en particulier, pour les races de chevaux et vaches canadiennes, a lutté contre les maladies contagieuses animales, participa régulièrement à des tournées de conférences dans les paroisses québécoises, «a marqué, écrivent ses biographes, tout autant la profession vétérinaire que l’ensemble du monde agricole de la province».

Voici qu’il traite ici, dans l’hebdomadaire Le Franco-Canadien du 9 avril 1891, de l’élevage du mouton.

L’élevage du mouton n’est pas en vogue dans la province de Québec. Pourtant, s’il y a un pays qui offre de grands avantages pour cette partie de l’exploitation agricole, c’est bien le voisinage des Laurentides.

Le mouton prospère surtout sur les terrains secs et élevés. Dans les plaines, il souffre de la pourriture et du piétin dans les saisons pluvieuses. La constitution de cet animal est antipathique à l’humidité, soit de la température, soit du sol.

Dans les montagnes, il jouit d’une constitution robuste et exempte de toute maladie. Dans les comtés de Charlevoix, Rimouski, une partie des comtés du Saguenay, de Montmorency, Québec, ceux de Joliette, la plus grande partie de Terrebonne, et bien d’autres dans les mêmes conditions géologiques, c’est l’élevage du mouton qu’on devrait faire. Il vit où les autres animaux crèvent; l’engrais de cet animal convient spécialement aux pâturages jaunes.

Nous avons un morceau de terre de tuf où rien ne poussait malgré l’énorme quantité d’engrais de gros bétail, avec lequel on l’avait fumé et la qualité de graine de mil et de trèfle qui y avait été déposée. Le restant de notre terrain que l’on avait traité de la même façon nous donnait d’abondantes récoltes de fourrage.

Une année (en 1887), nous recevons d’un seul coup près de 2,000 moutons. Nous mettons sur notre terrain stérile autant de bêtes qu’il pouvait en contenir (environ 100 par arpent carré) [un arpent est une mesure linéaire d’environ 67 mètres]. Ils y restèrent douze à quinze jours à piétiner et à fumer le terrain; l’année suivante, et depuis, on a eu de bonnes récoltes de ce champ autrefois absolument improductif.

Je ne dis pas qu’il y a une fortune à faire avec l’élevage du mouton. Non, il faut pour cette exploitation, comme pour toute autre, beaucoup d’attention, de jugement et de patience.

Mais, tout bien considéré, l’élevage du mouton sur les sols légers et montagneux paie mieux que celui du gros bétail et autant que la culture des céréales.

Les cultivateurs de Stoneham, de Valcartier, de St-Hilarion, St-Joseph de Charlevoix et tant d’autres lieux semblables, devraient se mettre à faire autant de pâturages que possible, et à élever le plus possible de bons moutons, afin de pouvoir enfouir la charrue à cinquante pieds sous terre dans une dizaine d’années d’ici.

Il est vraiment pénible de voir les cultivateurs de ces endroits s’épuiser à cultiver de si nombreux arpents d’un sol qui ne leur rapporte guère plus que la semence et qui, exploité d’une autre façon, les ferait vivre plus aisément et avec moins, beaucoup moins de travail.

La production de mouton est à peine suffisante pour la consommation locale dans cette partie de la province. C’est une anomalie; on devrait en produire pour l’exportation, car il n’y a pas de limite à la demande de cette viande sur le marché anglais.

Si nous voulons sortir de l’ornière, il faut faire quelque choix. Citons aux cultivateurs des terrains montueux, montagneux à changer leur modus operandi. Mettons-les en état de faire des pâturages et de s’adonner spécialement à l’élevage du mouton. Qui est-ce qui commence ?

J. A. Couture.

 

L’image ci-haut est celle de Jean-Paul Labonté et de ses moutons.
Merci, cher Monsieur Labonté.

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