Triomphe de l’Irlandais Charles William Parnell à Montréal
Charles William Parnell est un des nombreux héros dans l’histoire de l’Irlande. Grand leader nationaliste durant les années 1880, il fonde l’Irish National Land League, convaincu que l’autonomie de l’Irlande passe d’abord, pour les paysans, par la propriété de leur terre, plutôt que d’en être pauvres locataires aux prises avec les «landlords».
En 1880, le voilà en Amérique, espérant l’appui des Américains dans sa lutte. À Montréal, il est reçu de manière incroyable par les Irlandais de la diaspora. Le 9 mars, le journaliste de La Patrie raconte.
La réception faite hier soir à M. Parnell par les sociétés irlandaises de cette ville a été l’une des plus belles démonstrations dont on ait encore été témoin à Montréal.
Dès sept heures du soir, une foule immense se pressait aux abords de la gare Bonaventure attendant l’arrivée du train qui ne devait avoir lieu qu’à neuf heures et demie.
MM. F. B. McNamee, J. P. Whelan et J. C. Fleming qui s’étaient rendus à Vaudreuil pour rencontrer M. Parnell revinrent sur le train qui portait ce dernier.
Au signal de l’arrivée du convoi, tous les flambeaux que portaient les membres des sociétés irlandaises furent allumés et cette multitude de lumières, dont les reflets projetés au loin ressemblaient à la lueur d’un incendie, produisit un effet magnifique.
En descendant des wagons, M. Parnell faillit être écrasé par la foule qui se pressait pour le voir. On le porta plutôt qu’on ne le conduisit à un magnifique carrosse ornés de drapeaux et traîné par quatre chevaux blancs qui l’attendaient au dehors.
La procession composée de toutes les sociétés irlandaises de cette ville, au nombre de quinze, de l’association des charretiers, du club de crosse Shamrock et de treize corps de musique, tous portant des flambeaux, se mit alors en marche.
Une garde d’honneur à cheval entourait la voiture de M. Parnell. Le spectacle que présentait le long cordon de feu projetant une vive lumière sur tous les objets qui l’entourait était splendide.
Sur le parcours de la procession, dans le quartier Ste-Anne, un grand nombre de résidences étaient illuminées. À certains endroits de longues files de lanternes chinoises traversaient les rues.
On estime que trois mille personnes portant des flambeaux ont pris part à la procession et que les spectateurs venus pour être témoins de la démonstration étaient au nombre de vingt mille.
À mi-chemin, au coin des rues McGill et Wellington, l’enthousiasme étant à son comble, on détacha les chevaux de la voiture de Parnell et les membres du club Shamrock y ayant attaché des cordes traînèrent le héros jusqu’au Lawrence Hall.
Des délégués de plusieurs villes du Canada et quelques représentants du Herald de New-York occupaient des voitures précédant le carrosse du patriote.
En arrivant à l’hôtel, M. Parnell fut présenté à plusieurs dames et messieurs. Une députation de Québec composée de MM. McGreevy, Sutton et autres le pria de se rendre jusqu’à Québec et il y consentit pourvu qu’on put le ramener à Montréal par convoi spécial le 11 courant. Après avoir poussé des hourrahs en l’honneur du défenseur de leur patrie, les sociétés irlandaises rassemblées en face de l’hôtel se dispersèrent paisiblement.
Finalement, faute de temps, rappelé en Irlande parce que des élections anglaises sont déclenchées, Parnell prend un navire à New-York dès le 11 mars.
L’image est tirée de la revue de la semaine du 27 mars 1880 du périodique montréalais Canadian Illustrated News. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec au descripteur «Parnell procession».
P. S. Si vous passez par Québec demain, samedi, le 22 mars, ne manquez pas la fête des Irlandais, en particulier le défilé de la Saint-Patrick, très coloré. Madame Barbara Miller, reine du Carnaval en 1961 et, entre autres, mère de Patrick Roy, est Grand Marshall de la journée.