Les dangers soudains du pont de glace
Certaines années, on a si hâte de traverser le fleuve sur le pont de glace qu’on s’y précipite, croyant qu’il est bien «pris». On devient impatient, surtout s’il se fait tard en janvier.
En 1896, le pont se forme un peu en amont de Québec la dernière semaine de janvier. Et on s’empresse de le baliser. Toutefois, l’impatience peut coûter cher.
L’événement se passe le 28 janvier. Trois jours plus tard, citant le journal L’Électeur, La Tribune de Saint-Hyacinthe raconte.
La dernière marée n’a pu ébranler le pont. Cette fois-ci, il est bien solide.
Tout l’avant-midi, on a traversé à pied et en voiture.
Les premiers qui se sont hasardés à traverser en voiture sont M. Andrew Brown et Mlle Davis, de Lévis, et M. J. A. Jobin, du lac St-Jean.
Cet après-midi, une centaine d’hommes travaillent à niveler et baliser le chemin.
Comme nous l’annoncions dans notre dernière édition, le pont s’est mis en mouvement hier après-midi, alors qu’il y avait pas moins de 140 personnes dessus. Il est facile de s’imaginer leur terreur lorsqu’elles se sont aperçues que la glace était en mouvement. On remarquait dans un groupe quelques femmes que le danger affolait.
Les hommes n’étaient guère plus calmes; chacun se demandait quand et comment il pourrait débarquer sur l’une ou l’autre rive.
Sous la force du courant, la glace se désagrégeait ici et là et d’immenses crevasses s’ouvraient à droite et à gauche, à la grande frayeur des imprudents qui regrettaient bien leur téméraire aventure.
On est parvenu à les sauver tous, mais non sans difficultés. Quelques-uns ont pu être débarqués au quai Allan, d’autres au Cap Blanc; il y en a même qui n’ont pu être sauvés que près de Sillery.
L’illustration est une gravure au burin de J. Archer, The River St. Lawrence during the Frost, with a view of the Citadel of Quebec. Vers 1859. Collection du Musée du Québec, cote : A 68 130 E. Photographie de Luc Chartier.