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«L’homme est, avant tout, un profond égoïste»

Une dame qui signe Parisine n’y va pas avec le dos de la cuiller pour parler des hommes. J’aime ce texte, car il est fort rare qu’une femme de l’époque ose crier son ras-le-bol venu manifestement de ses relations avec les hommes qu’elle a connus ou des témoignages de d’autres femmes. Son propos paraît dans Le Canadien du 7 janvier 1891.

On m’a fait l’amitié de m’écrire pour me demander conseil sur ce sujet très délicat : l’attitude que la femme mariée doit observer vis-à-vis de celui que, librement, elle a choisi pour seigneur et maître.

Mon Dieu ! c’est très embarrassant, et je ne me résous à répondre — eh ! très brièvement — que parce que ma correspondante se montre très perplexe et paraît attendre avec impatience les conseils demandés.

Quoique nous en ayons, nous serons encore, pendant longtemps obligées à une foule de concessions vis-à-vis de Messieurs du sexe fort. Certes ! je sais que nous allons à l’émancipation, mais jusqu’à atteindre le but, il y a du chemin à parcourir — et beaucoup. Le mieux est donc de savoir attendre et, tout en travaillant à améliorer notre situation, et morale et matérielle, de nous faire la vie la moins désagréable possible — en un mot d’arrondir les angles.

L’homme est, avant tout, un profond égoïste — je suis bien certaine qu’aucune de mes lectrices ne me démentira. Or, c’est de cet égoïsme que, tout d’abord, il faut prendre son parti. Il nous sera moins dur ensuite d’en supporter les conséquences. Ce que l’homme veut, exige impérieusement, c’est que sa femme soit vraiment femme — en toute occasion et à tous les points de vue. Que celles donc qui s’aperçoivent que quelque chose leur manque, dans le physique, les manières, l’attitude, de ce qui constitue le féminisme, s’ingénient à cacher cette sorte de tare — ou la rachètent d’une façon quelconque, si elles ne peuvent la faire disparaître.

Ce qu’il faut, pour plaire vraiment à son mari, c’est un grand fonds d’abnégation, de dévouement, de la grâce, de la douceur, beaucoup d’indulgence pour l’homme. Et aussi quelque recherche — sans coquetterie affectée — dans la toilette; une coiffure soignée, en harmonie avec le visage, des mains blanches, aux ongles taillés — bref, un ensemble de soins personnels qui viennent faire ressortir encore la grâce naturelle.

Il est clair que Messieurs les époux ne montrent pas pour les femmes les mêmes prévenances, et que, souvent, nous avons à nous plaindre du jour défavorable, sous lequel ils nous apparaissent — maladroitement.

Il faut, de cela aussi, prendre notre parti — et songer que nous pouvons prêcher d’exemple et ramener l’époux dans le droit chemin des jours où, tiré à quatre épingles, correct et guindé, il nous faisait la cour… Ce n’est pas toujours facile, mais on peut y arriver, avec beaucoup de patience et d’affection !…

C’est la grâce que je souhaite à mon aimable correspondante.

Parisine.

 

Tout ce que ma mère a pu me dire au sujet de l’illustration ci-haut puisée dans sa boîte d’images, c’est qu’il s’agit d’une «demoiselle Lafrance». Cette dame était-elle comme ma mère originaire de Saint-Raymond de Portneuf, je l’ignore.

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