Auld Lang Syne
Quelle belle chanson que cette Auld Lang Syne ! Vous la connaissez assurément. En français, on lui donne le nom de Ce n’est qu’un au revoir. Le texte est du poète écossais Robert Burns. Elle fut traduite en français en 1920 par le prêtre jésuite français Jacques Sevin.
Ici, à la une de La Patrie, l’historien et journaliste Benjamin Sulte affirme qu’il s’agit d’une grande chanson nationale au même titre qu’un Canadien errant pour les Québécois.
Que de fois, dans les réunions où se trouvaient des fils de la vieille Écosse, avons-nous chanté avec eux la ronde célèbre Auld Lang Syne — Les jours du bon vieux temps.
Ces couplets sont caractéristiques — et répandus sur le globe entier, ce qui leur donne une grande valeur. Les plus solides monuments de pierre ne résistent pas aux siècles comme un refrain de quatre lignes. L’Écossais, parti de ses montagnes du nord de l’Europe, emporte pour tout bagage son esprit calculateur, un sentiment vif et poétique de la patrie, les airs anciens et les rimes naïves qui ont bercé son enfance.
En toute rencontre, il retrempe ses souvenirs au feu clair et jovial de la chanson du pays. Voyez ces convives sympathiques se lever de table au dessert, former le cercle et, se donnant la main, tourner en mesure au mouvement de la musique ou balancer leur corps en saluant par cadence les paroles de
And there’s a hand, my trusty friend,
And gie’s a grop o’thine;
And we’ll tak’ a cup o’kindness yet,
For the days o’auld land syne.
Si les Canadiens-français ont leurs chants populaires, les Écossais n’en manquent pas non plus; ils ont même une langue à eux, ce qui rend leur situation plus piquante.
Alors, que faut-il faire lorsque l’un de nous est invité au banquet national de la Saint-André ?
Accepter la politesse, mettre des culottes, un chardon à la boutonnière de l’habit, une cravate aux couleurs des Campbells, des Macdonalds, de Rob Roy ou de Cameron et, une fois rendu au festin, chanter en français les effusions de Auld Lang Syne. C’est ce que j’ai fait. […]
Les Canadiens errants retrouvent, en pays étranger, la mélodie attendrissante du Canadien errant. Même situation pour les Écossais en face de Auld Lang Syne. […] Le Ranz des vaches, qui correspond chez les Suisses, aux deux chants des Écossais et des Canadiens-français, du moins par les souvenirs qu’il rappelle aux exilés de cette nation, n’est pas connu de tous les enfants de la Suisse; il en résulte que ceux-ci n’y tiennent pas autant que nous à Un Canadien errant et Auld Lang Syne.
Quant aux Français, j’ignore s’ils connaissent tous un même chant, à part Malbrouk s’en va-t-en guerre. La Marseillaise tire du rang : c’est la noblesse à trente-six carats. Du nord au midi de la France, la variété des chansons populaires empêche, je crois, qu’il y en ait une adoptée universellement. Toutefois, notre ancienne mère-patrie est la pépinière de couplets chantants et cette gloire, qui provient de la richesse de son esprit, compense bien ce que les autres nations nous montrent en se vantant de posséder quelques originalités.
Le Dear little shamrock des Irlandais rappelle un emblème et n’a pas l’impersonnalité de Auld Lang Syne. C’est l’accent poétique de «loin du pays» qui nous attire le plus, car il est humain dans sa portée et conserve son sentiment traduit en n’importe quelle langue. Si l’on mettait en écossais le Canadien errant, il deviendrait écossais.
Et Benjamin Sulte de laisser entendre que, selon lui, l’air de Auld Lang Syne est français.
Robert Burns, né en 1759, mort en 1796, a composé cette chanson sur un air que l’on connaissait partout en Écosse, en France et en Canada. L’histoire de la musique écossaise ne remonte guère à deux siècles et encore c’est pour constater qu’il existait alors des airs connus dont la source n’est aucunement indiquée.
Avant 1550, les rapports des Écossais avec la France étaient continuels, et à partir de Marie Stuart ils le furent davantage, surtout en ce qui concernait les beaux-arts. La reine d’Écosse avait une véritable passion pour la musique, c’est même l’un des côtés à la fois poétique et tragique de son existence. La mélodie qui nous occupe a dû passer alors de France en Écosse. L’alternation des rimes masculines et féminines se pratiquait déjà à cette époque où vivaient Ronsard et sa pléiade de poètes.
Voici une bien belle version en langue anglaise de Dougie MacLean.