Skip to content

Mort du curé Antoine Labelle

Nous avions déjà parlé du décès du curé Labelle. Le chroniqueur Léon Ledieu lui rendait alors hommage dans Le Monde illustré. Voici ici une biographie du personnage par Joseph-Israël Tarte, notaire, journaliste, homme politique et propriétaire de journaux. D’ailleurs, Tarte publie ce texte dans son propre journal, Le Canadien, du 5 janvier 1891.

Mgr Labelle. Un grand patriote disparu de la scène

La mort est venue, à trois heures hier matin, clore la carrière mouvementée de celui que pendant de longues années on a appelé «le curé» Labelle. Il a vu approcher l’heure solennelle avec calme et sérénité. Jusqu’à la dernière pulsation de son cœur, il a conservé la plénitude de son intelligence. Son unique regret a été de ne pas expirer dans les bras de sa vieille mère — âgée de 82 ans.

Mgr Labelle a été l’une des figures importantes de notre époque, dans notre Province. Il y a joué un rôle puissant. S’il n’a pas toujours plu à tout le monde, si, aux yeux d’une certaine partie de ses concitoyens, il a commis des erreurs, il n’en faut pas moins reconnaître la force de son esprit, la largeur de ses conceptions et l’ardeur de son patriotisme.

C’était un Canadien français et un colonisateur. Il avait un violent amour de sa race et il voulait la voir s’emparer du sol. Il avait la connaissance intime de tous les coins et recoins de la carte du pays, et il pouvait, dans la nuit noire, mettre le doigt sur les endroits habités par des groupes français.

Les projets de chemins de fer, de voies de colonisation qui hantaient sans cesse son cerveau fécond étaient, dans ses calculs, destinés avant tout à amener l’expansion de notre race. Il n’avait ni haine, ni préjugé contre les autres nationalités, mais il était de la sienne !

Ce qui, pour le vulgaire, ou notre pauvre petit peuple fanatisé par l’aveugle fureur de l’esprit de parti, a paru être, parfois, de la contradiction, mérite d’être pesé dans la balance impartiale de l’histoire — maintenant que la vie et les œuvres de Mgr Labelle relèvent de ce tribunal de juridiction souveraine.

Il était l’homme d’une idée : le développement des Canadiens français sur le sol ouvert et conquis à la colonisation par leurs ancêtres. Pour le triomphe de cette idée, il s’est servi des moyens et des hommes que les circonstances lui ont désignés.

C’est de ce point qu’il faut partir pour le juger. Il n’a pas été infaillible et impeccable dans chacune de ses démarches; il n’a jamais failli volontairement au patriotisme. Il a pu se laisser entraîner trop loin — s’emballer, enfin donner prise à de justes critiques. Saluons, chapeau bas, sa tombe ! Elle renferme les restes d’un enthousiaste d’une cause sacrée. Ces enthousiastes se font de plus en plus rares dans notre société qui baisse et ne vaut pas la génération qui l’a précédée.

Le but suprême du curé Labelle, c’était la colonisation, la prise de possession du sol par les Canadiens français. Chapleau, Mercier, John A. Macdonald, Laurier, Bonaparte, Wise, le Pape ! Tout ce qui pouvait servir, d’une manière ou d’une autre, à sa cause chérie était bon. Il a exagéré en certaines circonstances; et ses brusques résolutions lui ont attiré de durs reproches. Que ceux qui ne se sont jamais trompés lèvent la main !

Il a connu l’âpre saveur des déboires. Ses derniers jours n’en ont pas été exempts.

Ce n’est un secret pour personne que la création d’un évêché à St-Jérôme était considérée par Mgr Labelle comme une œuvre de capitale stratégie. […] Il a eu l’ambition d’être le premier titulaire de ce siège épiscopal, pour lequel il rêvait un avenir plein de patriotiques espoirs. Cette ambition — je veux employer le mot dans sa signification pure et simple — a été pour le mort regretté que nous pleurons une source de faiblesse, le point délicat de sa carrière, j’allais dire l’erreur de sa vie. Car elle l’avait engagé dans une série d’efforts qui ne doivent pas servir d’échelons pour monter sous le dais sacré.

Toutefois, tenons compte là encore — là surtout — de l’idée dominante de son existence : l’expansion de sa race par tous les moyens légitimes. Les paroisses du nord, les chemins qui y conduisent sont en large partie son œuvre, il voulait donner à cette œuvre un essor nouveau; évêque, il ferait des prodiges; dix années en vaudraient trente, il mourait après avoir consolidé l’édifice. […]

 

La photographie du monument élevé au curé Labelle à Saint-Jérôme provient de Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Montréal, Fonds Armour Landry, Photographies, cote P97, S1, D6272-6288.

No comments yet

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS