Un appel pour l’éclairage des rues à l’électricité
Selon le journal Le Trifluvien du 19 décembre 1888, il n’y aurait que des avantages à éclairer les rues de la ville de Trois-Rivières à l’électricité plutôt qu’au gaz. Aussi le bi-hebdomadaire lance un appel au conseil municipal. Une ville est à la veille de passer au tout électrique.
Nombreux sont les avantages de l’éclairage à la lumière électrique sur l’éclairage au gaz.
La lumière est plus vive. Au lieu de la lumière que le gaz nous donne actuellement, lumière qui ne vaut guère mieux qu’une lumière de chandelle, nous aurions pour la ville un véritable éclairage. Nous pourrions vaquer sans crainte dans nos rues, le soir; tandis qu’à présent, si vous sortez du centre de la ville, vous vous trouvez dans les ténèbres et nos rues sont de véritables casse-cous. Ils [sic] ne sont pas rares les rues où vous avez à parcourir cinq, six et même dix arpents [quelque 600 mètres] sans rencontrer un seul bec de gaz.
La lumière est plus égale, n’étant pas ou presque pas exposée à s’éteindre. Combien de fois n’arrive-t-il pas que vers cinq et même six heures, le soir, le gaz ne peut pas donner autre chose qu’une lumière vacillante et minuscule ? À chaque printemps, les eaux hautes du fleuve inondent les usines de la compagnie du gaz et nous sommes une couple de semaines à peu près sans lumière. Et puis un fanal se brise et une rue est plongée dans l’obscurité.
Nous avons même vu le réverbère au coin des rues Royale et Bonaventure, au coin de la Cathédrale, rester cinq ou six jours par terre sans être réparé. Un gamin lance-t-il une boule de neige dans une vitre de réverbère, l’allumeur oublie-t-il d’allumer un bec de gaz, adieu la lumière pour une nuit au moins. Et puis mille autres accidents. Aussi entendons-nous faire des plaintes chez jour.
La lumière est mieux distribuée. Avec un peu de soin dans la pose des lumières électriques, on arriverait à éclairer toute la ville au lieu de n’avoir de la lumière que sur la rue Notre-Dame. […]
La ville n’aurait qu’à y gagner sous tous les rapports à être éclairée à la lumière électrique. La chose serait avantageuse même au point de vue de la morale et de la paix publique. En effet, règle générale, les batailles, les tapages nocturnes, les désordres de toutes sortes se commettent dans les parties les moins éclairées de la ville.
Enfin, ne faut-il pas suivre le progrès dans tout ce qu’il a de bon. Montréal et Québec sont éclairés à la lumière électrique et Trois-Rivières qui est la troisième ville de la province [Trois-Rivières compte alors quelque 8 000 habitants] aurait dû suivre leur exemple de suite. Au contraire, beaucoup de villes plus jeunes et moins importantes nous ont devancés. Nous pourrions citer Joliette, Sorel, Sherbrooke, St. Hyacinthe, St. Jérôme, etc. […]
Nous avons la confiance que le Conseil décidera dans notre sens et qu’avant longtemps la ville sera aussi bien éclairée que les villes qui nous environnent.
L’illustration, un dessin d’Edmond-Joseph Massicotte, fut publiée dans Le Monde illustré du 23 juin 1894. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Éclairage électrique».