Ah, flâner à Montréal
Celui qui signe J. B. A. sans doute Joliettain maintenant, se remémore ses jours d’été, à Montréal. L’Étoile du Nord, de Joliette justement, publie son texte le 16 décembre 1886.
C’était en juillet 1883. J’avais terminé mon cours de philosophie et me proposais d’étudier le droit. Cette idée cependant n’était pas bien déterminée chez moi; inquiet, soucieux et un peu emporté par les plaisirs que je rencontrais à chaque pas, je remettais toujours au lendemain l’exécution de mon projet.
Pendant ce temps, j’errais à l’aventure dans les belles et spacieuses rues de Montréal. Je visitais souvent ses monuments et ses places publiques. Ces mille et mille bruits qui s’élèvent continuellement des villes commerciales comme un immense concert de toutes les activités humaines me causaient un vague enthousiasme qui me faisait aimer le séjour de la ville.
Ces voitures qui se croisent de tous les côtés [il faut toujours se rappeler que ce sont des voitures à chevaux], ce va et vient continuel d’un monde qu’agitent des intérêts divers, l’activité dévorante que l’on déploie partout, le commerce, cet aliment des peuples, qui ici est le mobile de toutes les actions, tout me faisait trouver charmantes et délicieuses ces journées passées dans une douce nonchalance.
J’aimais à considérer le St Laurent miroitant sous les feux du soleil, fier de porter sur ses ondes ces superbes vaisseaux transatlantiques qui viennent débarquer sur nos bords les riches produits des pays étrangers, le gigantesque pont Victoria hardiment jeté sur ses rives, me rappelaient les merveilleux travaux des anciens qui élevaient des pyramides pour la sépulture de leurs souverains.
De ma fenêtre, je contemplais ces clochers nombreux surmontés de la croix s’élevant dans les airs comme un gage de salut et d’espérance; de là, je suivais du regard ces nuages de fumée qui s’échappaient des boutiques et allaient se perdre dans les nues, ou bien mes regards s’arrêtaient sur cette masse informe de maisons à l’aspect si différent.