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Soyons plus exigeants, diable !

À Québec, pendant plusieurs années, on présente du théâtre à la salle Jacques-Cartier, dans le faubourg Saint-Roch. Et, manifestement, le produit offert n’est pas toujours très relevé. Aussi, un amateur écrit au journal Le Canadien pour dénoncer la complaisance.

Le 17 décembre 1889, le quotidien propose son texte à la une et le présente d’abord ainsi : «Il est de fait que les grelots retentissants de la réclame sonnent trop fréquemment pour des acteurs qui ne connaissent pas le premier mot de leur métier. À qui la faute ? Un peu à tout le monde. À l’auditoire d’abord qui applaudit indistinctement le talent et l’insignifiance, et puis dans une assez large mesure aux feuilles publiques qui n’hésitent point à taire la vérité pour ne point se mettre à dos la corporation des interprètes de toute catégorie. Nous croyons que ces faiblesses sont de nature à gâter le bon goût du public et que c’est rendre service à l’art comme aux artistes que de leur tenir un langage vrai.»

 

Et voici le texte de celui qui signe simplement Observateur.

Monsieur le Rédacteur,

J’ai été agréablement surpris de constater dernièrement qu’on semble vouloir sortir de l’ancienne habitude pour faire de la critique juste et impartiale à propos de théâtre. Vraiment, nous sommes si habitués à des éloges abracadabrants à tort et à travers, que nous sommes heureux de voir pour une fois une critique sérieuse. Qu’on veuille bien croire que ces observations visent personne, je parle du théâtre en général.

Il serait vraiment désirable de voir cesser enfin ces habitudes qu’on a de louanger sans raison tous ceux qui se permettent de faire du théâtre, surtout à la salle Jacques-Cartier. Certes je ne veux pas dire qu’on ne doit pas reconnaître le mérite, loin de moi cette pensée, et c’est plutôt pour faire reconnaître le mérite seulement que j’écris ces lignes. Il est vraiment malheureux de voir le public de St. Roch qui fait preuve dans toutes circonstances de tant d’intelligence et de bon goût, de le voir, dis-je, applaudir des acteurs qui s’imaginent qu’un homme qui remplit un rôle dans une pièce doit, pour jouer en artiste, crier comme un vociféré à propos de tout et à propos de rien, prendre des poses à la Don Quichotte et faire des enjambées phénoménales.

Ce qu’il y a de malheureux à cela, c’est qu’on voit le public applaudir assez souvent ces atrocités. Je concède qu’assez souvent on applaudit les paroles et non l’acteur, mais qu’on songe donc que ce dernier prendra ces applaudissement pour lui et qu’il sera heureux de saisir la première occasion de venir lui débiter de nouveau de beaux rôles mais d’une manière aussi abominable et aussi atroce. Ce que le public ne devrait jamais souffrir.

Aussi c’est qu’on le trompe avec toutes sortes de titres menteurs, pour finir par lui jouer des pièces qu’il a entendues mille fois et dont il est ennuyé. À ces acteurs et organisateurs de soirées, le public devrait leur faire comprendre qu’il a payé pour une marchandise et qu’il n’en veut pas d’autres.

 

La photographie prise par le photographe Conrad Poirier en avril 1954 provient de Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Montréal, Fonds Conrad Poirier, Photographies, Cote : P48, S1, P21604. «Blanche-Neige, dit-on sur la fiche, dort entourée des sept nains dans une pièce de théâtre inspirée du conte des frères Grimm.»

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