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L’hiver venu, vous trouverez le bonheur à la campagne

Une lectrice ou un lecteur du journal Le Sorelois, habitant à Sainte-Anne de Sorel, dédie à son ami Arthur Bruneau le texte suivant ayant pour titre «L’hiver à la campagne». Le bi-hebdomadaire le publie le 7 décembre 1883.

L‘hiver est enfin arrivé ! Cruel, il, est venu dépouiller de leur verdure ces arbres, malheureux squelettes des bois, où naguère les amoureux étaient protégés contre les ardeurs d’un soleil brûlant.

 

Qui nous rendra la chaleur bienfaisante de l’été ? Qui remplacera cet astre lumineux ? Qui charmera son absence ? C’est ce feu bienfaiteur, noble enfant du soleil, ce feu qui est notre hôte et notre ami; celui qui vient réchauffer le foyer, qui est la source féconde des plaisirs.

Malgré tous ses sujets d’ennui, l’hiver a aussi ses doux loisirs; c’est surtout à la campagne qu’il est considéré comme temps de repos et d’amusements; c’est l’hiver qui réunit les cœurs, qui bannit les soupirs, qui invite aux festins, qui rallie les voyageurs que le printemps avait dispersés. Oui, l’instinct social est enfant de l’hiver. Tous les soirs, un même attrait rassemble en cercle la vieillesse conteuse et la jeunesse folâtre. Là courent à la ronde et les vieux contes (qui ne sont pas toujours vrais) et les joyeux propos, et la vieille chanson, précieux héritage de la gaîté gauloise.

C’est dans ces joyeux rendez-vous que chacun vient retrouver ses vieilles connaissances. Là s’épanche le cœur : le secret le plus pénible, longtemps captif ailleurs, échappe au coin du feu; plus loin, plusieurs époux se rappellent la fête de leur antique hymen, et le souvenir de leurs jeunes amours les réchauffe encore mieux que le foyer. Là Vénus s’aperçoit qu’elle est chère à Vulcain, l’amour vient y forger les chaînes de l’hymen.

Comme aux jours fortunés des pénates antiques,

Le foyer est le dieu des vertus domestiques.

Près du feu, deux amants pleins d’un tendre délire se regardent et n’osent parler, et, pour cacher leur embarras, vous les voyez se faufiler vers le banc des seaux traditionnel, et là, plus heureux que le mauvais riche, ils humectent leurs gosiers desséchés par les soupirs brûlants de l’amour.

Dans l’appartement voisin, en groupe, sont les plus turbulents; les jeux sont à l’ordre du jour. La vieille, de l’œil et de l’oreille, suit leurs joyeux ébats et tempère leur gaîté. Ici, c’est un gant qui va et vient, et qui trahit par son vol agile un adroit amoureux; la belle Françoise, pour dissimuler sa rougeur, le renvoie aussitôt, laissant apercevoir la rondeur d’un beau bras. Ailleurs, un jeune aveugle, un bandeau sur la tête, poursuit, saisit, devine et nomme sa conquête, et souvent l’heureux colin-maillard trouve mieux qu’il ne cherche, et rend grâce au hasard. Là sont accumulés, pour amuser les belles, histoires et contes à sensations.

Sur une table, sont placés pêle-mêle cartes et damiers; les uns se plaignent d’un échec, les autres se glorifient d’avoir gagné la partie d’honneur. Tour à tour, on querelle, on bénit la fortune; on se sépare enfin, promettant bien de reprendre la partie perdue, et chacun s’en retourne chez soi, heureux, content de sa veillée.

Ami ! N’est-ce pas là le vrai bonheur, et n’es-tu pas d’accord avec moi pour dire : que la tranquillité et le bonheur se trouvent chez nos cultivateurs ?

XX ……..

 

L’illustration, une photographie de Neuville Bazin prise en 1949 en vue d’un reportage pour «la revue dirigée par Rosaire Nadeau» sur les paroisses de Beaumont, Saint-Michel et Saint-Vallier, se trouve à Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds ministère de la Culture et des Communications, Office du film du Québec, Documents iconographiques, Cote : E6, S7, SS1, P68554.

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