Pourquoi lire le journal ?
À travers ce site interactif, nous nous trouvons, vous et moi, à relire, en partie du moins, les journaux d’époque. Voici, si nous étions bien sûr 125 ans plus jeunes, comment on s’adresserait à nous pour nous convaincre de lire le journal. Ce texte, qui paraît dans L’Étoile du Nord (Joliette) le 11 octobre 1888, a assurément été approuvé par Albert Gervais, le propriétaire du journal; peut-être même en est-il l’auteur.
Le journal est le plus précieux de nos amis. Il est l’intime de la maison. Il est notre compagnon du soir, après une journée de travail et de labeur. C’est notre conseiller pratique dans la carrière ou le métier que nous avons embrassé. C’est un ami qui éclaire et instruit. Le lecteur doit l’aimer comme on aime un ami sincère et dévoué à ses intérêts. Alphonse Karr disait : «Chacun veut avoir un ami; presque personne ne pense à être un ami.»
Le public, c’est-à-dire l’ouvrier, l’artisan, l’homme d’affaires et de bureau se montre ami du journal, si le soir, en entrant à la maison, on prend le journal, ou si en revenant de l’ouvrage, on le prend au dépôt, comme on arrêterait prendre un intéressant compagnon.
De son côté, le journal se montre l’ami du lecteur, en lui apportant des nouvelles qui l’intéresseront et en lui donnant des renseignements qui l’instruiront sur ses droits, sur ses devoirs et ses intérêts.
Le journal travaille au développement des dispositions naturelles que le lecteur a déjà, et agrandit d’une manière étonnante le cercle de ses idées.
Ainsi le journal en travaillant au perfectionnement de l’intelligence enseigne le devoir, et mieux les hommes connaissent leurs devoirs, mieux ils sont disposés à les remplir. Il y a un fait indéniable, c’est que plus un homme est intelligent, mieux il sait travailler, et si l’homme instruit est plus laborieux et connaît mieux ses devoirs, l’ignorance, au contraire, engendre la paresse, l’imprévoyance, l’immoralité, le préjugé et bien d’autres maux. L’ouvrier ignorant dilapidera son salaire, non seulement en dépenses inutiles mais encore nuisibles. L’enseignement qui ressort de ces choses est très salutaire et l’homme avide de savoir trouve toujours dans le journal des choses utiles et intéressantes.
Quant aux lecteurs et aux lectrices dont les dispositions ne les portent pas aux études sérieuses, ils trouveront dans le feuilleton ce qui peut charmer les loisirs. On aime parfois à sortir, en imagination, de la vie réelle, où les sourires l’emporteront sur les beaux jours pour voyager quelque peu dans ce monde idéal où l’on s’intéresse, sans s’attrister aux infortunes d’un personnage fictif, dont le bonheur rend heureux et dont les qualités et les vertus rendent meilleurs.
En lisant ainsi chaque jour le journal, on acquiert, sans s’apercevoir, une foule de connaissances qui ornent l’esprit et développent les qualités intellectuelles. La lecture du journal nous démontre nos intérêts et nous apprend à raisonner et à juger les hommes et les choses.
Et comme il n’est pas permis d’être indifférent à ses intérêts, il ne nous est pas permis de négliger la lecture du journal qui nous éclaire, nous instruit et nous amuse.
Il est certain que l’auteur de ce texte, qu’il soit l’éditeur du journal ou le journaliste à son emploi, fait la part belle à la presse.
Sur la presse et la vie de journaliste, voir aussi cet article.
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