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La photographie fête son demi-siècle !

En 1889, voilà 50 ans qu’est née la photographie. Une occasion de se réjouir, selon vous ? Franchement pas, selon l’auteur, anonyme, qui souligne cet anniversaire dans L’Étoile du Nord de Joliette du 24 octobre 1889. Contribution à une histoire de la photographie.

Ah ! mince ! Cinquante années de binettes ! s’est écrié Gavroche.

Il venait de lire dans un journal qu’il s’agissait de célébrer le cinquantenaire de la photographie.

C’était en 1839. La Bourgogne était heureuse… et le reste de la France aussi ! Un fabriquant de panoramas (on en fabriquait déjà dans ce temps-là, comme vous voyez) annonça un beau matin qu’il avait trouvé le moyen de fixer l’image sur le miroir. Ce que tant de poètes avaient rêvé, il était parvenu à le réaliser… en partie.

Le panoramiste s’appelait Daguerre. Et, quelques jours après, on parlait partout de daguerréotype.

Depuis, l’histoire semble avoir établi qu’il n’avait été qu’un Améric Vespuce donnant son nom, comme l’autre, à la découverte d’autrui, et que le Christophe Colomb authentique s’appelait Niepce de Saint-Victor.

Il y avait de la célébrité pour deux dans cette trouvaille.

Elle était pourtant bien rudimentaire alors.

On ne rencontre encore, accrochées à la cheminée des concierges, quelques-unes des plaques daguerriennes à l’odieux miroitement. Elles nous paraissent agaçantes et ridicules. Elles firent pâmer d’admiration jadis. Et c’était justice, en somme. C’est aux ouvreurs de voies qu’est dû l’hommage des foules.

La photographie, qui est venue ensuite, sera-t-elle un jour remplacée par l’image en couleur directement obtenue ?

Beaucoup de savant relèguent cette hypothèse parmi les chimères, avec le mouvement perpétuel, la quadrature du cercle et la direction des ballons.

Le sage dit prudemment :

— Qui sait ?

Si maintenant il fallait se livrer à un examen de conscience sincère, de quel côté pencherait le plateau de la balance ? Est-ce du côté des services rendus ? Est-ce du côté des méfaits ?

Si nombreux ils sont, ces méfaits-là.

Ah ! ma vieille photographie, on peut bien t’appeler vieille, puisque tu as cinquante ans, de combien d’abominations ne t’es-tu pas rendue complice ? Nous en as-tu conservé de ces documents hideux et humiliants pour l’espèce humaine ! Que d’affreux singes, que d’affreuses guenons, n’as-tu pas reproduits et perpétués lamentablement ! Et la saugrenuité des poses constituant le plus navrant des musées de la bêtise vaniteuse ! Encore des pièces à conviction qui font jouer un fichu rôle à notre race !

Tout bien considéré, il serait peut-être juste de confesser que la photographie aurait aussi bien fait de ne pas naître et de ne pas être.

Quand il fallait débourser une vraie somme pour avoir son portrait même exécuté par un vulgaire croûton, on y regardait. De sorte que la plupart des binettes, comme dit Gavroche, disparaissaient sans laisser de traces fâcheuses.

La photographie a changé tout cela. Elle a fondé les archives de la grimace et de la hideur.

Décidément, après mûre réflexion, je crois que c’est une malfaitrice.

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