Un médecin fait l’éloge de la chasse
Voulez-vous être en santé? Partez pour la chasse. C’est, en gros, le message de cette personne qui signe Le Médecin dans Le Canadien du 19 octobre 1889.
Allons, chasseur, vite en campagne
Du cor n’entends-tu pas le son ?
Tonton, tonton, tontaine tonton.
Ainsi chante le spirituel et caustique Béranger. Nous croyons devoir nous arrêter à la première moitié de son couplet, la seconde moitié n’ayant qu’un rapport fort éloigné avec l’hygiène, et nous disons, comme lui, au disciple de saint Hubert : La chasse est un exercice on ne peut plus salutaire à la santé; si vous pouvez vous y livrer, ne perdez pas de temps, levez-vous de bonne heure et allez, sans tarder, fouiller les bois et tuer le plus de gibier possible. […]
Mais nous demandera-t-on, jusqu’à quel âge est-il permis de chasser sans inconvénient ? Quand est-ce que la vieillesse commence ? Nous ne pouvons pas répondre à cette question d’une manière catégorique, puisque tel homme est vieux à quarante ans et tel autre ne l’est pas à soixante-dix.
Il suffit de savoir que tant qu’une personne se sent alerte, tant qu’elle a de la vigueur, tant qu’elle peut, sans trop se fatiguer, faire de longues courses, la chasse ne lui est pas interdite, et qu’elle peut s’y livrer, surtout si elle ne pousse pas le plaisir jusqu’à l’excès, si, en un mot, elle chasse avec modération.
Quels sont les bons effets que procure la chasse ? Ils sont très nombreux. D’abord elle fortifie tout le corps en développant la force musculaire. Tout le monde est d’accord sur ce point. Suivant Xénophon, il n’y a pas d’exercice plus propre à fortifier le corps et à développer le courage. Il approuve donc les Grecs des premiers temps qui le faisaient entrer dans l’éducation de la jeunesse comme un point important, parce qu’il vaut naturellement mieux que le jeune homme déploie ses forces à la chasse que de les affaiblir dans l’oisiveté ou les épuiser dans la débauche. Du reste, un chasseur habitué à la fatigue fait un bon soldat et un bon citoyen.
La chasse active les fonctions de la respiration et de la circulation; ce qui fait que les poumons fonctionnent mieux et que le cœur bat avec régularité et amplitude. […]
Enfin la chasse repose l’esprit, et elle est ainsi très utile à toutes ces nombreuses personnes auxquelles leur profession intellectuelle, commerciale, ou autre, procure des ennuis de toutes sortes, en même temps qu’elle les oblige à mener une vie trop sédentaire. Dès que le chasseur a son fusil sur l’épaule, il ne pense plus qu’au gibier qu’il va pouvoir atteindre; tous les tracas, tous les tourments des affaires n’existent plus pour lui; cette calotte de plomb qui pèse sur son cerveau d’une manière plus ou moins désagréable disparaît comme par enchantement; la gaieté revient et la santé la suit.
Êtes-vous diabétique, chassez et vous verrez que vous perdrez une partie de votre sucre, parce que la chasse en favorisera la combustion.
Êtes-vous obèse, chassez et votre graisse fondra
Êtes-vous goutteux, graveleux, chassez et cet exercice facilitera l’élimination des urates.
Êtes-vous dyspeptique, chassez et vous aurez de l’appétit et vous digèrerez.
Enfin la chasse est très utile aux personnes atoniques, affaiblies, lymphatiques, et elle est absolument nécessaire à toutes celles qui font trop de recettes et pas assez de dépenses.
Mais si la chasse est un excellent exercice, elle expose le chasseur à de véritables dangers. Celui-ci les évitera en ne se fatigant pas outre mesure, et en se reposant pendant tout le temps nécessaire.
Dès le matin, avant de partir, il prendra un peu de nourriture. À son repas de midi, il aura soin de ne manger que des aliments faciles à digérer, et non très lourds comme cela arrive d’ordinaire. Il boira le moins possible en chasse et s’abstiendra d’alcool. Il pourra cependant, quand la soif le poussera trop, boire un peu d’eau sucrée dans laquelle on aura ajouté du cognac ou du rhum.
Source de l’illustration d’un camp de chasse vers 1900 : Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds L’Action catholique, Dossiers de documentation du journal, Documents iconographiques, cote P428, S3, SS1, D9, P12.