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Un drapeau pour les Canadiens ?

De 1901 à 1904, dans la presse québécoise, on débat d’un drapeau pour les Canadiens, soit les Québécois de langue française et ceux partis s’installer à l’étranger. Diverses propositions sont soumises. Et apparence qu’on arrive quasiment à un consensus en 1904.

Dans La Patrie du 9 mai 1904, à l’intérieur d’une section dite «Tribune libre», Louis des Érables répond au journaliste Olivar Asselin, directeur du Nationaliste, qui refuse de se rallier. Son texte est éclairant, car il semble laisser croire qu’on va vers une entente en faveur du drapeau de Carillon, avec en son centre l’emblème du Sacré-Cœur paré d’une guirlande de feuilles d’érable.

 

Je ne suis pas un fervent outré du drapeau de Carillon aux armes du Sacré-Cœur, mais cependant je ne puis m’empêcher de constater que ce drapeau est connu et répandu à peu près partout, qu’aux jours de fêtes on le hisse au haut de nos mâts et sur le toit de nos maisons et que, par conséquent, il est sur le point de devenir national s’il ne l’est pas déjà.

Voilà pourquoi je ne peux m’expliquer comment il se fait que le «Nationaliste», qui d’ordinaire sonne assez juste […], puisse dire que, malgré le soin avec lequel le comité a groupé les adhésions, on ne peut s’empêcher de constater que le nouveau drapeau, en dehors des cercles religieux, provoque peu d’enthousiasme.

Ce «en dehors des cercles religieux» est très fameux comme vérité exacte, puisque c’est à peu près dans les cercles «religieux» que le drapeau a été le moins bien accueilli.

Le drapeau de Carillon provoque peu d’enthousiasme, dit l’écrivain du «Nationaliste»; cependant, s’il faut en croire les journaux, chaque jour, ils nous rapportent que ce drapeau a pénétré dans les centres nouveaux; nos compatriotes du Manitoba et des États-Unis se sont presque tous rangés sous ce glorieux drapeau de Carillon; ici, dans la province de Québec, on ne peut trouver aucun village où il n’ait fait son apparition.

Et l’on constate, au «Nationaliste», que ce drapeau «provoque peu d’enthousiasme»; il faut ou constater fort mal ou ne pas voir clair.

De ce que le drapeau de Carillon n’est pas arboré par l’écrivain du «Nationaliste», il ne faut pas conclure que le «nouveau drapeau provoque peu d’enthousiasme et ne claquera pas au vent». Le public intelligent qui s’y entend en fait de patriotisme ne s’en laissera pas imposer par quelques exceptions particulières, il sait trop ce qu’elles valent.

L’écrivain du «Nationaliste» ajoute, en parlant du Carillon-Sacré-Cœur : «Et puis la complication du dessin proposé ne lui (au peuple) dit rien». Celui qui a écrit ces lignes n’est certainement pas un des nôtres, ou bien il renie fortement ce que nous avons été dans le passé, et ce que nous voulons être dans l’avenir.

Il ne nous dit rien, le drapeau chanté par [Octave] Crémazie, notre poète national, qui dit du drapeau de Carillon :

Quand tu passes ainsi comme un rayon de flamme
Ton aspect vénéré fait briller dans notre âme
Tout ce monde de gloire où vivaient nos aïeux.

Ô radieux débris d’une grande épopée !
Héroïque bannière au naufrage échappée !

Ah ! bientôt puissions-nous, ô drapeau de nos pères !
Voir tous les Canadiens unis comme des frères
Comme au jour de combat se serrer près de toi !

Il ne nous dit rien, ce drapeau à l’ombre duquel nos pères remportaient la célèbre victoire de Carillon !

Il ne nous dit rien, ce drapeau qui fut le drapeau de Jacques Cartier, de Champlain, de Lévis et de Montcalm.

Il ne nous dit rien, ce drapeau qui porte en ses plis le Sacré-Cœur enguirlandé de feuilles d’érable !

S’il est vrai que le drapeau est le symbole des souvenirs et l’image de la patrie, je trouve que le drapeau de Carillon aux armes du Sacré-Cœur répond tout-à-fait à cette définition et, par conséquent, nous dit beaucoup.

Allons, au «Nationaliste», de ce que vous n’êtes pas en faveur du drapeau national — appelons-le ainsi, parce qu’il le mérite à plus d’un titre — il ne faut pas croire que tout le monde partage vos opinions.

Le drapeau de Carillon claquera au vent — on s’en est aperçu à la St.-Jean-Baptiste l’an dernier, on s’en apercevra encore davantage cette année.

Qui vivra, verra.

 

Sur l’histoire du drapeau de Carillon, voir la page Wikipédia qui lui est consacré.

L’image ci-haut du Carillon-Sacré-Cœur provient de la publication de Claude Paulette, Le fleurdelisé, Commission de la Capitale nationale du Québec et les Publications du Québec, 1997, p. 23. Dans cet ouvrage, vous saurez tout sur le cheminement qui a mené au drapeau du Québec, le fleurdelisé, depuis la «fleur du roi», la fleur de lys, à compter de Louis VII (1137-1180), jusqu’à aujourd’hui.

Le fleurdelisé fut adopté par décision gouvernementale québécoise le 21 janvier 1948.

Coup de chapeau à l’ami Claude Paulette qui vient de décéder, à 86 ans, en avril dernier.

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