La Journée internationale des Femmes (8 mars)
La presse de 1900 ne parle pas, bien sûr, de cette journée, car la fête n’a pas encore été inventée. Aussi, comme l’an passé, retournons dans le journal La Patrie, cette fois-ci du 18 octobre 1902, alors que la chroniqueuse Madeleine pose deux questions : la première aux hommes — Quelle est la femme idéale ? —, la seconde aux femmes — Quel est le mari idéal ?
Parole aux femmes alors. Le journal précise [comme on le fait pour les hommes] : Les femmes sont priées de mentionner en quelques lignes les qualités rêvées chez l’homme de leur choix.
Florilège.
Donalda : Mon mari ! Cela me fait immanquablement sourire… En aurais-je un mari, moi ? L’aurai-je l’idéal rêvé, réunissant la bonté, le cœur, l’intelligence et l’honnêteté ?
Trifluvienne : Que la jeune fille qui désire un «mari idéal» cherche à gagner le cœur d’un de nos bons Trifluviens.
Rose-Blanche D’Auroche : Mon idéal est une vraie tête de Méduse. Des yeux très vilains, un nez qui n’est guère mignon et une bouche, ah ! une bouche que je ne saurais décrire. Eh ! pourtant c’est ce laideron-là que j’aime. Je crois ma chère chroniqueuse que toutes vos aimables lectrices vont se sauver de peur; c’est ce qui me ferait bien plaisir, car je verrai que sa laideur est une barrière infranchissable pour mes voisines; mais qui ne me fera jamais peur à moi. Dans ses yeux si petits qu’ils soient, je trouve les rayonnements de son âme, et sur ses lèvres se reflètent une bonté, une délicatesse de sentiments, une égalité d’humeur et de plus un brin d’esprit qui ne me déplaît pas du tout, bien au contraire. Il n’est pas sans posséder quelques petits défauts, mais qui s’oublient bien vite, car il possède une stabilité de jugement, une bravoure, et une foi sans limite, surtout à tout ce que je lui dis. Tant de perfections sous un aussi laid masque, penserez-vous ! Mais un seul de ses sourires fait tout oublier à Rose-Blanche et lui fait repousser à tous les Adonis qu’elle laisse à celles qui cherchent la beauté.
Marinette : Je le désire comme je ne l’ai pas encore rencontré. Brun pour une blonde je préfère, aimant comme je le suis, honnête et travailleur, respectueux pour sa femme, bon, qui peut pardonner comme je pardonnerai; de plus excellent catholique. J’espère trouver l’idéal dans un cœur comme celui-là. C’est mon rêve.
Candeur : Je n’exige rien d’un homme qui a assez de cœur pour épouser une femme pauvre et pas jolie. Je l’aime déjà sans le connaître. Je l’attends sans l’avoir jamais vu et il viendra bien sans que je l’appelle.
Ti… Ouit : Je veux que mon mari n’ait qu’un œil afin de ne voir que la moitié de mes défauts.
Colinette : Je rêve d’un mari tendre et sympathique, qui aime sa femme de tout son cœur et qui dominera, non par la force mais par l’amour. L’ayant trouvé, j’aurai tout trouvé……… presqu’un ciel !
Claire Xixon : L’homme idéal, mon Dieu ! autant vaudrait chercher un merle blanc.
Fleurette : Pour moi, l’idéal du mari serait un homme courageux qui devrait le bien-être de sa famille à son rude labeur. Après un travail ardu, ne trouvant du bonheur qu’au logis, paraissant s’apercevoir que sa petite femme s’est dévouée, toute la journée, pour rendre le foyer agréable à cet ouvrier qui a rencontré parfois bien des déceptions à son travail.
Murmure des eaux : En voyant tant de qualités désirées chez l’homme, je me dis, nous ne ferons pas descendre les anges sur la terre pour les épouser. Donc le mari idéal je le rêve avec quelques défauts, puisqu’il n’y a pas de perfection ici-bas, et sans cela comment connaîtrait-il si je suis douée de bonté, de douceur et de patience. Je le voudrais m’aimant à un tel point qu’il ne vit jamais mes défauts.
Jeanne Sans Gêne : Le mari idéal !… Mais c’est parmi ces braves garçons de Bretons dont nous parlait il y a quelque temps dans les colonnes de la «Patrie» votre charmant correspondant Robert, qu’il faut désormais l’aller chercher. Je suis d’avis qu’on établisse — et immédiatement — un fort courant d’immigration en notre pays de cette jeunesse dorée qui pourra nous fournir des maris en harmonie avec nos rêves. Notre gouvernement devrait nommer (avec un gros traitement) l’ami Robert, agent officiel de telle immigration, avec mission d’aller en son pays natal dire de nous autant de bien à ses jeunes compatriotes qu’il nous en a dit d’eux. Et puis quel beau tour ce serait jouer à nos beaux INDÉPENDANTS ! Nous pourrions alors les laisser tout à leur aise à leurs si chers divertissements dans les clubs et sur les chemins. Ils finiraient bien vite par s’embêter, cependant; et ce serait le cas de dire qu’ils sont enfin punis par où ils ont péché. Dût-elle ne nous procurer que ce plaisir, la chose vaudrait la peine d’être tentée.
Yvette : Un jeune homme châtain aux yeux gris; 20 à 23 ans; bon, sérieux et toujours aimable envers sa tendre moitié; musicien surtout; voilà le mari qui ferait mon bonheur. Qu’en dites-vous, en existe-t-il de semblable en ce monde ? Ou faut-il attendre à l’éternité pour le trouver ?
Claudette : Le mari idéal serait pour moi un homme joignant aux qualités du cœur celles de l’esprit, et qui n’aurait en vue dans tous ses actes que le bonheur et l’amour de celle qu’il a choisie pour épouse.
À l’endos de la photographie ci-haut, il y a d’écrit : Adolphe Veilleux, Saint-Martin de Beauce.