Une soif de textes variés et de qualité
Nous avons vu avec plaisir cette annonce dans le dernier numéro de L’Étudiant. L’hebdomadaire de Joliette, L’Étoile du Nord, n’est pas plus bavard dans la présentation de cet article venu d’ailleurs. Mais s’il sent le besoin de le reproduire en page 2, le 20 janvier 1892, c’est qu’il croit qu’il s’applique bien à la vie québécoise.
Si, dans certains pays, la recherche de livres et de revues dépasse parfois des limites raisonnables, il n’en va pas de même, paraît-il, au Canada : c’est certainement un malheur, parce que l’entretien et le développement d’une instruction reçue dans les Académies et les Collèges ne doivent pas être négligées. Or, comment obtenir ce résultat sans quelques lectures sérieuses et suivies ?
Ne me parlez pas pour atteindre cette fin d’un rapide coup d’œil jeté sur un simple journal. Là vous trouverez deux ou trois nouvelles politiques et locales exprimées assez souvent dans un style bien peu français, vous parcourrez ensuite, si vous en avez le loisir, des pages entières de réclames comme nous en donnent plusieurs feuilles; les plus légers ne liront que le roman [l’auteur fait allusion ici à ces feuilletons à l’eau de rose qu’offrent beaucoup de journaux une fois la semaine]. Mais personne n’ignore qu’un moyen aussi sûr que rapide de fausser le jugement et même de pervertir le goût, c’est de lire des romans; inutile de répéter pourquoi, les motifs sont connus.
Il ne s’agit pas ici, qu’on veuille bien le remarquer, de faire une campagne en faveur de l’Étudiant. Lorsqu’un voyageur, après une longue et pénible marche dans une région déserte rencontre enfin une ferme où on lui offre l’eau d’une source fraîche et limpide, il remercie du fond du cœur parce qu’on lui a donné un rafraîchissement bienfaisant; quel intérêt aurait-il eu à flatter des étrangers qu’il vient de saluer et qu’il va quitter bientôt.
De même, de passage dans ce pays, je rencontre enfin une revue, dont le programme me semble aussi agréablement varié que judicieusement choisi et convaincu qu’il y a là un petit trésor, où la classe instruite trouvera des précieux articles sur la philosophie, l’histoire, les sciences naturelles avec la reproduction de discours les plus remarquables de nos grands hommes d’Europe et en particulier de la France; alors, simplement et sincèrement, je félicite le rédacteur de l’Étudiant et je souhaite de voir son œuvre comprise et ses efforts encouragés par les gens soucieux de véritables progrès.
Francis
L’Étudiant, dont parle Francis, est le journal des étudiants du séminaire de Joliette, fondé en janvier 1885 par l’abbé F.-A. Baillargé qui y était alors professeur. Selon André Beaulieu et Jean Hamelin, Les journaux du Québec de 1764 à 1964 (Québec, Presses de l’Université Laval, 1965), ce mensuel parut la dernière fois le 15 décembre 1892.