Encore un éboulis à Québec
Une des particularités de la ville de Québec est son cap. D’ailleurs, étonnamment, ce cap, bien que «largué», dirait-on, sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, appartient à la chaîne de montagnes des Appalaches, cette formation géologique qui longe l’Amérique du Nord jusqu’en Alabama, aux États-Unis. Quoi qu’il en soit, dès le départ, ici, à Québec, la population s’installera au pied de ce cap ou à son sommet.
La falaise de Québec est omniprésente dans la vie quotidienne des gens de la région, au point où ils finissent par l’oublier, et la connaissent mal d’ailleurs. Celle-ci est vivante. Une variété de plantes, d’arbres et de bêtes l’habite. Et parfois elle s’active : éboulis de pierre, avalanches de neige ou de glace.
Voilà qu’une avalanche de neige survient le 24 janvier 1891. L’Étoile du Nord l’évoque, cinq jours plus tard.
Samedi dernier, vers quatre heures trente de l’après-midi, une énorme quantité de neige amoncelée au sommet du Cap Diamant, s’est tout à coup abattue dans la rue Champlain, ensevelissant six maisons sous sa masse. Dans sa chute, l’avalanche a fait un bruit terrible et les résidents des maisons ensevelies eurent la pensée que l’horrible catastrophe de septembre 1889 [40 morts] se renouvelait. Voici d’autres détails.
Les maisons sur lesquelles l’avalanche s’est abattue occupent le côté sud de la rue. Toutes les portes et les fenêtres ont été enfoncées et l’intérieur a été en grande partie envahie par la neige.
Il n’y a pas d’habitations au nord de la rue depuis quatorze ou quinze ans. Celles qui, à cette époque, s’élevaient à cet endroit ont été démolies par une avalanche de neige et de glace et n’ont jamais été reconstruites. On se rappelle que, lors de cet accident, sept personnes ont été tuées : un nommé Gibson, sa femme et leurs cinq enfants.
S’il y avait eu des maisons au nord de la rue [du côté de la falaise], elles auraient certainement eu le même sort que celles qui occupaient ce terrain autrefois.
L’avalanche en glissant du sommet du cap a frappé la façade des maisons, les a ensevelies et les a nécessairement beaucoup ébranlées; mais outre les portes et les fenêtres qui sont défoncées, ces maisons n’ont pas éprouvé de grands dommages. On prétend cependant que l’une d’elles a été reculée de plusieurs pouces.
Malgré la gravité de l’accident, nous n’avons pas la douleur d’enregistrer de pertes de vie. Même personne n’est blessé.
Le sergent Rigby, de faction dans ce quartier, a téléphoné à M. Baillargé, ingénieur de la cité, lui faisant part de l’accident et lui demandant du secours. M. Baillargé a envoyé aussitôt trente-cinq hommes de la corporation qui, en travaillant sans relâche depuis cinq heures jusqu’à 8.30 heures, n’ont pas réussi à enlever une quantité considérable de la neige amoncelée.
Les maisons ensevelies qui s’étendent depuis le No 521 jusqu’au No 529 et 531 sont la propriété du conseiller Kaine, qui en occupe une avec sa famille, la seconde est occupée par M. James Murphy et sa famille. Les autres maisons appartiennent à la succession Lambson et sont occupées respectivement par la veuve Murphy, la veuve John Paul, Peter Griffin, journalier, Mlles McGrath, Joseph Dooney, Denis Murphy, veuve Drew et Matthew Redmond.
Selon l’Annuaire Marcotte des rues de Québec de l’année 1891, cette avalanche eut lieu tout juste à droite du plus long escalier de Québec, dit du Cap-Blanc (398 marches), et de ce qui était à l’époque l’église scandinave, un édifice toujours en place aujourd’hui. À ce moment, cette portion de la rue Champlain était quasi entièrement occupée par une population dont les ancêtres étaient venus d’Irlande.
Si vous vous en remettez à la photographie ci-haut, c’est précisément dans cette falaise, à gauche, où vivent des cèdres (Thuya occidental, Thuja occidentalis, White cedar), que se produisit cette avalanche du 24 janvier 1891. Les deux autres photos de l’endroit furent prises le 12 août dernier.
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À quand une histoire de la falaise de Québec, de sa «domestication» par l’aménagement des nombreuses côtes pour les voitures, depuis la première, celle de la Montagne en 1620, par sa trentaine d’escaliers et les ascenseurs pour piétons ? D’ailleurs, quand organisera-t-on en s’y mettant à plusieurs, grâce aux escaliers, un grand inventaire de la flore et de la faune l’habitant ? À Montréal, existe-t-il un grande histoire de l’importance de cette Montérégienne, le Mont-Royal, dans la vie des populations vivant tout autour, depuis la première, l’Amérindienne ? Nous payons des gens pour aller se promener sur les mers du monde, alors que la vie est assise à notre porte et que nous ne la connaissons point.