Et les cimetières, grand dieu !
Bien sûr, je suis hors saison. On ne parle jamais de cimetière en juin. Mais, avant que ce mois se termine, l’article de La Patrie m’y pousse. D’ailleurs, pourquoi ne parlerait-on pas de cimetière en juin ?
Je vais vous dire, j’adore les cimetières. Et moi qui ai travaillé à l’occasion en ce domaine, voilà un moment que je veux vous confier que l’histoire des cimetières de Québec est absolument navrante. Du tout premier au tout récent. On n’en finirait plus d’énumérer leurs misères. Vraiment, les nôtres n’ont pas eu le repos facile. Et je comprends ce cher Samuel de Champlain, le fondateur de la ville, d’être disparu, d’être là où il est, en paix, car voilà longtemps que nous aurions mis ses vieux os sans dessus dessous. Sans blague, prêtez attention. Encore, aujourd’hui, toujours, régulièrement, une nouvelle sur un nouveau méfait dans un de nos cimetières nous éclate en plein visage.
Revenons à La Patrie du 2 juin 1905. L’article s’intitule simplement LES CIMETIÈRES.
Beaucoup de nos cimetières sont dans un état de délabrement que nous pouvons, sans exagération, appeler scandaleux. L’herbe qui croît sur les tombeaux n’est même pas fauchée !
Pourtant, la mémoire de nos morts nous est chère.
Les fabriques devraient, il nous semble, considérer comme l’une de leurs obligations les plus sacrées l’entretien du coin de terre où dorment tant de ceux que nous avons aimés. En donnant l’exemple, elles inviteraient les familles à donner plus d’attention aux tombes des leurs.
Les cimetières ne sont pas tous bien situés, nous le savons. Mais tous peuvent être tenus en bon état. Chaque printemps, l’on devrait réparer ce qui s’y brise, enlever les mauvaises herbes, planter des fleurs.
Dans tous les cimetières, il y a une croix. Qu’autour de cette croix, la fabrique cultive un massif de fleurs. C’est affaire de quelques piastres.
Si notre suggestion était suivie, nos cimetières changeraient bien vite d’apparence.
Nous prions messieurs les curés et messieurs les marguilliers en exercice, qui liront La Patrie d’aujourd’hui, de s’occuper dès dimanche de ce sujet si digne d’intérêt.
Les vivants, qui n’ont pas de respect pour les morts, n’en ont pas toujours pour eux-mêmes.
L’image ci-haut fut prise le 22 novembre 2011 dans le cimetière Mount Hermon, sans doute le seul cimetière de Québec à ne pas avoir été «dérangé» à ce jour, où toutes celles et tous ceux qui s’y trouvent sont assuré-e-s du grand calme depuis plus de 160 ans. Assurément, c’est là où je dormirai.
Jean,
Tu as choisi un des deux seuls cimetières reconnus et classés, de la grande région de Québec, l’autre étant le très beau cimetière jardin de St. Matthews rue St. Jean. C’est quand même particulier que tous deux soient de tradition anglicane alors qu’aucun des grand cimetières catho (Belmont et St. Charles) ne le sont encore. La mémoire des ancêtres serait-elle, elle aussi, « distincte » comme le clâme certains quand ils qualifient le Québec de société distincte. Nous avons un urgent devoir de mémoire à faire à l’égard de tant de pages d’histoire personnelle et collective gravées dans la pierre. Urgence car sinon j’ai bien peur qu’on ait à ajouter des mots à notre devise… Je me souviens….euh de quoi au juste!
Merci Jean.
Je ne suis pas sûr pour St. Matthew, cher Jean-Robert. Des amis à moi, archéologues, ont eu le mandat de la Ville de Québec, il y a un moment déjà, d’extraire de là tous les ossements qu’ils pouvaient trouver, de passer la balayeuse, en quelque sorte. Le travail a duré plusieurs mois. Par la suite, la Ville a fait un parc urbain de cet endroit. Un guide touristique s’est battu depuis pour empêcher les chiens d’y entrer par respect pour ce que ce lieu fut, mais peine perdue. Les chiens peuvent s’y promener joyeusement.
Et mon fils, que tu connais bien, me met sur la piste d’un bien triste exemple de cimetière démembré à Philadelphie : http://m.theatlanticcities.com/arts-and-lifestyle/2012/06/how-thousands-headstones-ended-under-philadelphia-bridge/2410/
Bonjour!
J’ai eu l’occasion de visiter le cimetière Mount Hermon il y a quelques années. Je cherchais alors le monument funéraire de Robert Chambers, qui a été maire de Québec, à cause de ses liens avec Charles Chambers, de la bande à Chambers. Quand on se promène, on y voit par exemple des monuments intéressants, comme celui des victimes de l’Empress of Ireland, celui des Inuits soignés à Québec, etc. C’est un très beau cimetière, rempli d’histoires.
Vous avez tellement raison, chère Vous. Ce cimetière est si riche en histoire. Même s’il n’est pas densément occupé comme la plupart des autres, il faut quand même y mettre quelques heures pour arriver à épuiser toutes les surprises qu’il réserve à qui y marche. Il y a même une pierre tombale portant un long texte en norvégien ou en danois. L’idéal, c’est vraiment de le parcourir avec Brian Treggett, le surintendant, fort sympathique. L’été, il y a aussi des visites d’organisées. Pour plus de renseignements, cliquez sur l’adresse au bas de mon article.
7, 10, 12 milliards de personnes… ça va demander beaucoup de mémoire, d’espace, de recyclage d’os et d’âmes. Probablement que ce sera un trop gros problème de gestion… Soleil Vert
Ah, mon vieux Joce, moi je ne désespère pas de la bête humaine. Mais va falloir qu’on le prenne à un moment donné, le vrai virage de la Terre, notre vaisseau.
Je pensais que le délabrement des cimteières était une histoire récente. Depuis quelques années lorsque je retourne visiter les cimetières de mes ascendants je me rends compte que les pluies acides ont grugées les monuments de marbre et qu’il est presque impossible d’y lire les inscriptions, sans compter que plein de monuments brisés, vieux sont emplilés à la va vite dans le fossé… Pourtant quel plaisir que de se promener dans un cimetière, imaginer un peu du bout de vie de ceux qui y reposent; jeunes enfants, remariages, etc
à lire « Promenades et tombeaux » de Jean O’Neil
Il y a tellement d’histoires à «lire» dans les cimetières, vous avez raison, Sylvie.
Pour les pierres tombales, elles sont une histoire en soi. Ainsi, je suis allé au cimetière de L’Ancienne-Lorette, où dort le dernier d’une famille de grands carrossiers à Québec pendant 70 ans, les Hough, ce dernier décédé au début du 20e siècle. Mais, malheur de malheur, les vieilles pierres tombales sont en calcaire; et il est impossible de lire quoi que ce soit sur une pierre en calcaire antérieure à 1925. Elles ont toutes été laminées, passées au papier sablé, par le temps qui use, les intempéries diverses et le soleil. La mémoire des mots qui s’y trouvaient est disparue.
D’autre part, dans un des cimetières de Québec, on aperçoit, justement dans un fossé, un dépotoir de pierres tombales, mais ce n’est pas dit. Certains lots n’ayant pas été achetés pour la vie, leur occupation a une date de péremption. Cette date arrivée, si les autorités du cimetière ne connaissent pas de descendants aux personnes ensevelies, capables de prolonger le bail pour les vieux os de leurs ancêtres, la pierre tombale est enlevée, jetée dans un fossé, et le lot est revendu à une autre famille pour de nouveaux morts, qui viendront reposer sur les précédents. Allez, les morts, faites de la place !