Les premières plaques d’immatriculation
En 1900, on ne retrouve à peu près pas d’automobiles au Canada. Trois ans plus tard, on n’en compte que 178 dans l’ensemble du pays. En 1905, même si ce type de véhicule est encore bien peu présent, on décide à Montréal d’obliger les propriétaires de «machines» à se procurer une plaque d’immatriculation. Et cela ne va pas sans problèmes.
La Patrie du 15 juin 1905 annonce :
Les automobiles ne pourront circuler dans la ville à moins d’avoir une licence et un numéro. La police a reçu instruction de commencer, lundi, à arrêter au passage, dans tous les quartiers de la ville, les conducteurs de voitures non encore munies de licences. Ces arrestations se font généralement à compter du 15 juin, mais comme le 15 se trouve au milieu de la semaine, cette année, on a décidé d’accorder trois jours de grâce de plus.
Le département des licences a commencé aujourd’hui à distribuer les numéros d’automobiles que la ville a fait fabriquer spécialement en Allemagne et qui ont été retardés en douane. Ces numéros à chiffres en reliefs et indestructibles ne pouvaient être confectionnés ici; on les considère les meilleurs qu’il y ait sur le continent
La ville a l’intention d’exiger que toute automobile trouvée circulant dans les rues sans être licenciée et numérotée de sorte que les résidents des municipalités environnantes ne pourront se prévaloir du fait qu’ils ne viennent ici que par occasion. Les automobiles étant des véhicules offrant un danger spécial pour la circulation, les autorités ont décidé de prendre toutes les précautions possibles pour éviter les accidents.
Mais voilà que des automobilistes se montrent bien superstitieux. Voici ce que raconte La Patrie quatre jours plus tard :
C’est le moment — où jamais — pour les automobilistes de prendre leur licence de circulation dans notre ville. Aussi nombreux sont les chauffeurs qui se présentent au guichet du bureau des permis de l’Hôtel de Ville.
Cependant, ces messieurs, tout en ne voulant pas l’avouer, sont plutôt superstitieux. En effet, il a été impossible jusqu’ici de placer le No 13. Pas un chauffeur n’en veut pour sa machine. Les plaques ont été commandées en Allemagne, et ont été mises en distribution hier, mais il se produit ce fait de nature à étonner les fonctionnaires placides, c’est que tous les numéros, dans lesquels se trouvent les chiffres fatidiques, sont impitoyablement refusés.
— Non, je ne veux pas de celui-là disent l’un après l’autre tous les chauffeurs qui se présentent. Non j’aime mieux ne pas prendre de licence et risquer de payer l’amende. Voyez-vous, ce sera encore moins dispendieux que de risquer quelque sale accident dans lequel je démolirai ma machine, et je me casserai la g……
Ces plaques sont en métal, elles sont de très bonne de très bonne qualité et par cela même il devient difficile d’en altérer les dénominatifs. Si bien que si cela continue, les commis du bureau des permis vont avoir tous les numéros treize à leur rester pour compte.
— Nous verrons bien dans quelques temps, nous disait hier un des commis, dans quelques temps ces messieurs n’auront plus le choix. Et puis il y a les gens qui s’achètent une auto au milieu de la saison, et alors……
— Alors répliqua le représentant de La Patrie, il ne faut pas dire cela trop haut, ce serait susceptible de faire du tort aux marchands d’automobiles.
Quoiqu’il en soit, les agents du chef de la police, qui ignorent les qualités du nombre, dont Pythagore fut le révélateur, commenceront par dresser procès-verbal et à citer impitoyablement à la cour de recorder, à partir de lundi prochain, tous les automobilistes n’ayant pas muni leur véhicule de la plaque réglementaire.
Ces licences doivent réglementairement être prises le 1er mai, le plus tard.
En conséquence, ces messieurs ont eu tout plein le temps de se mettre en règle avec les ordonnances de la police.
Ajoutons que les automobilistes demeurant dans les localités suburbaines et circulant dans les rues de la ville sur leurs machines, devront également se munir d’une plaque, et par conséquent payer leur licence.
On le voit, rapidement, avant même la création du ministère de la Voirie en 1912, le gouvernement du Québec se rendra compte qu’il doit prendre en charge l’émission des plaques d’immatriculation. Autrement, cette politique laissée à chacune des municipalités mènera tout de go au fouillis.
Source de l’illustration : http://www.flickr.com/photos/woodysworld1778/1417219076/in/photostream/