La fête de Pâques (8 avril)
Joyeuses Pâques à vous ! Que ce jour vous soit tout à fait agréable !
Il faut que je vous dise qu’après mon ouvrage, Les Quatre Saisons dans la vallée du Saint-Laurent qui s’attache beaucoup à la vie à la campagne autrefois, j’avais hâte de voir les filiations entre les manières de vivre le jour de Pâques à la campagne et celles à la ville. Étonnamment, ô surprise, il n’y a guère de filiations finalement. Nous n’avons pas apporté en ville ce Pâques rural. Bien sûr, le repas de Pâques, généreux, avec omelette et jambon au menu, est commun, mais la vie est autre à la ville.
Voyez, par exemple, comment s’annonce F. N. Chagnon dans le Courrier de Sorel du 25 mars 1902 : Vous voulez un beau jambon, du bacon, pour l’omelette de Pâques, allez chez F. N. Chagnon, où vous trouverez aussi des fromages de toutes sortes, la fameuse bière et le fameux porter Molson, vins, et autres liqueurs, etc. Et c’est tout. Rien de plus.
Ma longue quête dans la presse québécoise de 1900 ne m’a pas permis, par exemple, à ce jour, de trouver une seule mention à l’effet que les citadins, le matin de Pâques, avant le lever du soleil, se soucient d’aller recueillir de l’eau de Pâques dans un ruisseau, une rivière ou même le fleuve. C’est même à se demander si les folkloristes n’ont pas perpétué dans les gravures d’époque ou leurs écrits postérieurs des traditions qui n’ont jamais eu d’assises en ville.
Cher amoureux des traditions, j’aurais tant aimé vous satisfaire. J’exulterai d’ailleurs le jour où j’arriverai à trouver une seule mention d’un intérêt urbain pour l’eau de Pâques. Mais il me faut bien admettre que c’est le silence.
En ville, pour les personnes qui en ont les moyens ou peuvent compter sur une habile couturière, on aime étrenner un nouveau vêtement. À titre d’exemple, cet entrefilet du journal Le Soleil du lundi 8 mars 1909 : Nous avons eu hier un avant-goût agréable du printemps. La température douce était favorable aux promeneurs, qu’on voyait par centaines sur la traditionnelle rue Saint-Jean et sur la Terrasse. Il ne manquait que la gaie bigarrure des costumes nouveaux qui font leur apparition à Pâques. Mais ils ne sauraient tarder.
Et le bibi, mesdames, le bibi ! Quelle femme d’alors, habitant la ville, n’a pas rêvé de proposer à son alentour un nouveau chapeau, le jour de Pâques ? Sans doute, était-ce fierté. Et avec raison. Mais peut-être aussi, je me le demande, vengeance contre le fait qu’on l’obligeait à être coiffée sitôt qu’elle allongeait le pas dans une église. Qui pourrait dire ?
Et voilà que, quand le beau temps prend le jour de Pâques, après de longues pluies, on exulte. Voyez La Patrie, à Montréal, du lundi 16 avril 1900. Après l’interminable pluie que nous avons eue pour la fin du carême, l’apparition, au matin de Pâques, d’un soleil radieux a porté la joie dans tous les cœurs. Le beau sexe, surtout, en était réjoui, à cause des nouvelles toilettes destinées à voir le jour hier. Grâce à la température favorable, on a pu en admirer à profusion des robes et des chapeaux, chefs-d’œuvre construits par les industrieuses artistes des salons de mode, pour célébrer la nouvelle saison. Il y en avait un nombre infini aux églises et dans les rues. […] La température invitait à la promenade; l’air était chaud et bon, et les rues étaient relativement sèches et propres. On a donc vu défiler dans les principales rues des flots de promeneurs et de promeneuses. Il s’en est répandu jusque sur la montagne, jusqu’au pont Victoria, qu’une foule de personnes, avides de grand air, sont allées traverser à pied dans les deux directions. Le bonheur, je vous dis.
À Québec, pendant ce temps, par une aussi belle température, on met bien sûr le nez dehors. Mais, à plusieurs endroits, on trépigne, on a hâte au soir. Il me semble vous avoir souvent entretenus du euchre, un jeu de cartes dont la population raffole. Allez, demandez «euchre» dans la fonction «recherche» sur ce site interactif, dans la colonne de droite, votre machine vous proposera chacun des moments où on a tant aimé jouer au euchre.
Nous voici maintenant le soir de Pâques. Et, ô bonheur, la saison du euchre, commencée en septembre, se terminera par un gala. Les journaux le disent. Quelle manière de fermer un long cycle.
D’autres partent, bien oui, s’absentent. On dirait que naît peut-être une mode. Voyez La Patrie du 14 mars 1899. Cette année, comme les années précédentes, plusieurs de nos compatriotes se proposent d’aller passer le joyeux jour de Pâques à New-York. Plusieurs excursions sont déjà à s’organiser dans ce but. Une entre autres partira de Montréal, Châteauguay, Beauharnois, St-Timothée, Valleyfield, St-Stanislas, Huntingdon, Athelstan et Constable par le chemin de fer St-Laurent et Adirondack, le New-York Central et la rivière Hudson. Cette excursion aura lieu le 31 mars. Les billets ne seront vendus qu’au prix d’un passage pour le voyage aller et retour.
L’année d’après, le 12 avril, Le Soleil de Québec tape sur le même clou : Grand nombre de citoyens s’en vont passer les vacances de Pâques à New-York. Et, deux jours plus tard, son correspondant à Montréal, confirme ce mouvement vers le sud : Il est parti pas moins de 1,500 personnes, jeudi soir, pour New-York. Les différentes compagnies de chemins de fer ont dû organiser des convois spéciaux. Deux convois entr’autres se composaient de 7 chars dortoirs et un char à bagage. Ce sont tous des Montréalais allant passer les vacances de Pâques dans la métropole américaine. Jamais cela ne s’est vu encore. On fait de l’argent évidemment à Montréal.
Mais gare au mauvais temps ! Le Quotidien de Lévis le rappelle le vendredi 19 avril 1895, cinq jours après Pâques : Les toilettes, que l’on avait confectionnées pour Pâques puis remisées dans les cartons à cause du mauvais temps et avec lesquelles certaines jolies femmes se faisaient fortes de faire tourner les têtes et les cœurs, commencent à émailler nos rues.
C’est bien tard. Cinq jours après. Ah, Pâques, un moment à rendre « fou » !
Joyeuses Pâques, cher Jean.
Le citadin en mal de tradition peut toujours faire sienne celle de visiter ton site!
Merci, cher Frédéric. J’espère que Pâques se passe bien chez vous.
Bien oui, c’était étonnant d’entendre ou de voir les médias aujourd’hui, peut-être en mal de nouvelles en ce jour tranquille, «chantant» l’eau de Pâques, comme si ça avait été là de toute éternité, alors qu’en 1900, en ville, ça n’apparaît pas. Il est bien important de prendre du recul parfois.
Le 8 avril`12
C`est curieux en effet que les journaux ne font pas mention de cette tradition qui s` est perpétuée jusque dans les années `60. Dans la région du Saguenay en particulier à Jonquiere et Kénogami les gens allaient à une source tout près de Shipshaw avant le lever du soleil.Certains le faisaient après la messe de minuit le Samedi Saint(quand les cloches revenaient de Rome!!) d`autres à l`aube. Quand j`y suis aller moi-meme avec mes parents il y avait une file d`attente pour remplir nos bouteilles.C`était important de le faire avant l`aube pour garder les vertus miraculeuses de cette eau. On utilisait cette eau dans ma parenté pour protéger les maisons du tonnerre et des éclairs en aspergeant les fenetres.
A l`époque le journal Le Soleil de Québec était le quotidien distribué dans les foyers et il y avait une page ou deux de nouvelles locales. Je suis surpris qu`ils en on jamais fait mention
Joyeuses Paques
Dès les années 70 nous jeunes cégépiens de la campagne ramenions à la ferme nos amis de la ville quérir l’eau de Pâques car nous avions une source sur notre terre.
Papa était un homme sage qui ne croyait pas aux miracles du bon dieu,depuis qu’enfant il en avait trop vu ne pas se réaliser .
Quelle merveilleuse sensation de se lever aux aurores,de grimper la colline jusqu’au petit bois et de patauger dans l’eau claire.
Le miracle de la vie du temps chaud revenu.
Le reste n’est que oui-dire.