Habiter le pays le plus neigeux du monde
Il nous en tombe des vraies, des bonnes, sur la tête. Celle des 2 et 3 février 1902 est pas mal du tout. Le 4 février 1902, le journal Le Trifluvien raconte comment les citadins de Trois-Rivières s’en tirent.
Hier matin, beaucoup de gens ont dû sortir de leurs maisons par les fenêtres. Les façades de certaines habitations basses disparaissaient, grâce à la poudrerie, sous une épaisse couche de neige. On eût dit des huttes d’Esquimaux. Dans les rues, les voitures étaient plus que rares. Les chevaux s’enfonçaient jusqu’au ventre, s’enlisaient complètement dans la neige dont la couche devenait à chaque instant plus épaisse. Deux boulangers, désireux de porter malgré tout le pain quotidien à leurs clients, ont… fait naufrage. Ils ont cependant réussi à s’en tirer, mais ils méritent le titre de bienfaiteurs de l’humanité.
Et le journal de poursuivre :
Nous parlons dans une autre colonne de la tempête de neige qui s’est abattue sur une grande partie du Canada et des États-Unis dimanche et lundi, dont Trois-Rivières a eu sa part. Maintenant que la poudrerie est finie, on commence à pouvoir circuler sur nos trottoirs, sinon dans les rues. Encore est-il bon d’avoir du jarret, car les barricades ne manquent pas. À plusieurs places, on marche dans de véritables tranchées dont les côtés ont de sept à huit pieds de haut. Ceux qui aiment à jouer de la pelle peuvent s’en donner à cœur joie. Pas de trains hier et pas de malle. Nous étions séparés du reste du monde. […] On ne se décourage pas ici quand il tombe trois ou quatre pieds de neige ! Notez qu’un pied équivaut à 30 centimètres.
Mais personne n’est épargné. Le Trifluvien, toujours, raconte le 7 février que, dans la rue Champlain, à Québec, au pied de la falaise, il y a eu des barricades de neige atteignant une hauteur de plus de vingt-cinq pieds. Lundi matin, il y a eu à Montréal et dans d’autres villes, une véritable disette de pain et de lait. Les boulangers et les laitiers étaient incapables de se rendre chez leurs clients.
L’illustration montre des travailleurs à Québec en train de déneiger en 1904 à l’angle des rues Grande-Allée et Saint-Augustin, près de l’Hôtel du Parlement. Source : Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds Fred C. Würtele, cote : P546, D2, P28.