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Nouveau bilan du 19e siècle

Nous écrivions le 13 janvier dernier que sitôt janvier 1901 arrivé, les journaux s’empressent de donner la parole à ceux qui peuvent dresser un bilan de ce que le 19e siècle a apporté à l’humanité.

Voilà que, le 18 janvier 1901, le journal montréalais La Patrie demande à J. W. Miller d’y aller de son propos à ce sujet. Je ne saurais dire qui est ce Miller. Peut-être est-ce celui qui, à l’occasion, signe sous ce nom des articles dans le Bulletin des recherches historiques, fondé par l’historien Pierre-Georges Roy et publié à Lévis.  Voyons ce qu’il a à dire.

Les siècles ont reçu diverses dénominations. Les uns ont été appelés « siècle d’or, d’argent, d’airain, de fer »; d’autres ont reçu des noms plus vivaces : « Siècle de lumière, de progrès, grand siècle ».

Dans quelle catégorie devons-nous ranger celui qui vient de nous laisser ?

L’on peut sans crainte le proclamer le siècle du progrès par excellence. Je me sers de ces mots : « par excellence », à dessein, parce qu’aucun de ses aînés ne saurait lui être comparé sous ce rapport, et je ne crois pas qu’il y aurait exagération de dire que, sauf deux ou trois exceptions, il l’emporta sur tout ce que la race humaine a pu faire jusqu’à 1800.

Quelques exemples suffiront à prouver cet  avancé.

À l’admirable théorie de la gravitation qu’a donnée Newton au XVIIe siècle, le XIXe lui opposa la doctrine de la corrélation et de la conservation des forces, certainement l’une des plus brillantes découvertes qui aient jailli du cerveau humain.

Le XVIIe siècle a vu promulguer les lois de Kepler; à cette merveilleuse découverte de celui que l’on s’est plu à appeler le plus grand astronome que Dieu ait donné au monde, le XIXe siècle lui opposa la théorie non moins merveilleuse des nébuleuses.

Le télescope, encore du même siècle, est contrebalancé par le spectroscope. Si le premier a révélé des myriades de soleils disséminés dans les immensités de l’espace, le second nous fait connaître la substance dont ils sont composés, plus que cela, l’état dans lesquels ils existent — solides ou gazeux — la direction, la vitesse dont chacun se meut dans l’espace.

Si le XVIIIe siècle a donné la boussole, cet instrument fécond en applications utiles, il n’est pas nécessaire d’insister sur les innombrables services que rend la télégraphie électrique du XIXe.

Le thermomètre (XVIe siècle) et le baromètre (XVIIe siècle), ces deux précieux instruments que possède la physique, trouvent bien leurs équivalents dans le téléphone, le phonographe, les rayons Rœntgen. […]

Où trouverons-nous dans les autres siècles cet éclatant service rendu à la science et à l’humanité par les anesthésiques du XIXe siècle ? Et nos chemins de fer ! et ces palais flottants ! qu’est-ce que ses prédécesseurs ont à lui opposer ?

Rendons cependant justice aux temps passés. Nous leur devons trois grandes inventions que notre siècle, si fertile en inventions de toutes sortes, n’a rien qui puisse leur être comparé : l’alphabet, dont l’origine se perd dans la nuit des temps; les chiffres arabes, empruntés des Hindous par les Arabes vers le Xe siècle, et, «the last but not the least», l’imprimerie que nous a légué le moyen-âge, l’imprimerie, cette création puissante qui rend impérissable l’action de la pensée, qui ajoute à son activité et qui fait que l’œuvre du passé se tient debout dans toute la force traditionnelle de son enseignement.

Que nous réserve le siècle dans lequel nous venons d’entrer ? Au train où vont les choses aujourd’hui, il est permis de croire qu’il s’y opérera bien des prodiges, car tenons pour constant qu’il n’est pas donné à l’homme, par suite de l’action à laquelle il est soumis, de se compléter par le progrès d’une manière définitive et de constituer un terme de perfectionnement immuable. La raison de cela est dans ce qu’a d’indéfini cette action continue du monde extérieur sur l’homme, action sans cesse réfléchie, et dont, à ces divers titres, les effets échappent à tous les calculs. C’est ce qui explique comment la somme de bien-être à laquelle l’homme est réservé est susceptible d’augmenter indéfiniment, et d’une manière de plus en plus relative.

Souhaitons donc que le progrès qui se fera dans les cent ans qui vont suivre soit un avancement pour le mieux; souhaitons que ce progrès soit de nature à améliorer la condition de l’homme, et, dans un autre ordre d’idée, que les mœurs apportent à l’humanité la plus grande somme de bien-être possible.

Source de l’illustration : Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Montréal, Fonds Antoine Hudon, Épreuves noir et blanc, cote P280, S3, P88. Il s’agit de la photographie d’un homme non identifié faisant jouer un phonographe Edison pour cylindre phonographique à l’été 1908.

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