À Québec, on réclame le statut de port libre
Nous connaissons tous la rivalité entre les villes de Québec et de Montréal. Remontant au Régime français, elle a pris toutes les formes au fil du temps. Québec, s’étant trouvé distancée par Montréal au milieu du 19e siècle sur le plan démographique et économique, n’a jamais abandonné par la suite, s’efforçant quasiment de nourrir cette rivalité, qui apparaît soudain là où nous l’attendions pas.
Voici la couleur qu’elle prend en 1905. Il faut savoir d’abord que le Quebec Chronicle, le journal de Frank Carrel qui a toujours fait preuve d’engagement social, réclame alors que Québec devienne un port libre, c’est-à-dire que les bateaux de toutes espèces entrent dans la rade, viennent à quai, prennent et laissent leurs cargaisons, sans avoir à payer de droits.
Le 5 octobre 1905, Le Soleil appuie la position de Carrel. Le journal prévoit même que les grands navires océaniques cesseront bientôt de gagner Montréal et s’arrêteront à Québec, incapables d’aller plus loin.
Nous partageons entièrement l’avis du Chronicle au sujet du port. Québec devrait être un port libre. […] Montréal a souvent demandé ce privilège, elle a même insisté fortement pour être reconnue comme le port national du Canada. Montréal, nous en convenons, a des avantages d’une position géographique qui en fait en même temps le centre distributeur du commerce des lacs et le terminus de la navigation de long cours. Mais son port est fermé pendant six mois dans l’année et le reste du temps, il n’est accessible aux vaisseaux d’un certain tonnage qu’à force de travaux artificiels. Et encore, pour les énormes steamers qui suivent la route du St-Laurent et dont les dimensions augmentent, on ne peut pas dire que la navigation entre Québec et la métropole soit parfaitement sûre. L’échouement du Victorian en est le dernier exemple. […]
Nous avons à Québec une rade idéale. Avec une prudence raisonnable, les plus gros vaisseaux qui tiennent la mer peuvent remonter jusqu’ici sans aucun danger. À l’heure actuelle, Montréal est plus achalandée parce que le commerce maritime tient à entrer le plus loin qu’il peut, dans l’intérieur. Nous ne songeons pas à contester les avantages de la métropole. Mais nous le répétons, la dimension des vapeurs océaniques augmente continuellement. Un temps viendra, et qui est moins loin qu’on ne pense, où, malgré tous les travaux et toutes les dépenses, la navigation ne voudra pas et ne pourra pas dépasser Québec.
Nous sommes certains, comme le confrère, que notre port deviendra nécessairement le terminus océanique des gros vapeurs. Il importe de nous préparer en conséquence. Les quais qui se construisent, les améliorations projetées assurent aux vaisseaux une accommodation suffisante; il nous reste à demander au gouvernement de faire disparaître, au plus tôt, les charges qui gênent encore la navigation, afin que Québec devienne un port libre.
À noter, sur cette image, en bas, à gauche, le marché Finlay, aujourd’hui disparu. À droite, un voilier vient d’apporter une cargaison de charbon qu’on aperçoit sur le quai. De cette époque, il ne reste plus aujourd’hui que l’entrepôt Thibaudeau, tout à gauche, au centre de l’image, l’édifice de quatre étages de couleur brune, construit au début des années 1880, une œuvre de l’architecte Joseph-Ferdinand Peachy qui reprend les grandes lignes des palais italiens.
Article fort intéresant comme toujours.
Cette rivalité semble toujours tenir entre ces deux villes…à d’autres niveaux toutefois: hockey, spectacles, tourisme, etc. Cette concurrence semble une constante depuis plusieurs lunes.
Aussi, vous ravivez en moi cette concurrence entre les deux vis-à vis, Québec et Lévis. Les anses à bois du littoral lévisien: Anse Benson, Tibbits, etc. En 1907, le pont de Québec qui fait traverser le train sur la rive nord…
Je vous quitte pour une belle randonnée au fleuve en vélo, avec les outardes et les oies qui meublent si bien le décor automnal.