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«Abat-jour»

Page couverture Paul Geraldy

L’homme, Paul Géraldy (1885-1983), fut un grand amoureux. Extrait de son recueil Toi et moi publié en 1912.

 

Abat-jour

Tu demandes pourquoi je reste sans rien dire ?

C’est que voici le grand moment,

l’heure des yeux et du sourire,

le soir, et que ce soir je t’aime infiniment !

Serre-moi contre toi. J’ai besoin de caresses.

Si tu savais tout ce qui monte en moi, ce soir,

d’ambition, d’orgueil, de désir, de tendresse,

et de bonté !… Mais non, tu ne peux pas savoir !…

Baisse un peu l’abat-jour, Veux-tu ? Nous serons mieux.

C’est dans l’ombre que les cœurs causent,

et l’on voit beaucoup mieux les yeux

quand on voit un peu moins les choses.

Ce soir je t’aime trop pour te parler d’amour.

Serre-moi contre ta poitrine !

Je voudrais que ce soit mon tour

d’être celui que l’on câline…

Baisse encore un peu l’abat-jour.

Là. Ne parlons plus. Soyons sages.

Et ne bougeons pas. C’est si bon

tes mains tièdes sur mon visage !…

Mais qu’est-ce encore ? Que nous veut-on ?

Ah ! c’est le café qu’on apporte !

Faites vite !… Et fermez la porte !

Qu’est-ce que je te disais donc ?

Nous prenons ce café… maintenant ? Tu préfères ?

C’est vrai : toi, tu l’aimes très chaud.

Veux-tu que je te serve ? Attends ! Laisse-moi faire.

Il est fort aujourd’hui ! Du sucre ? Un seul morceau ?

C’est assez ? Veux-tu que je goûte ?

Là ! Voilà votre tasse, amour…

Mais qu’il fait sombre. On n’y voit goutte.

Lève donc un peu l’abat-jour.

 

Extrait de Paul Géraldy, Toi et moi, Paris, Éditions Stock, 1960, p. 19s.

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