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La «bête à patate»

doryphore patateLe doryphore a porté depuis un peu plus de cent ans plusieurs noms. Au moment de ce propos de L’Étoile du Nord (Joliette) du 18 juillet 1885, voilà seulement dix ans que l’insecte est arrivé du Colorado. Pour connaître son long périple sur la terre pendant près d’une centaine d’années, voir ce billet du 7 août 2011.

Ici, l’hebdomadaire de Joliette veut ameuter les lecteurs à son sujet, car on ne connaît guère la bête encore.

La chrysomèle des pommes de terre, mieux connue sous le nom de mouche à patates, inonde déjà de tous côtés notre province : elle descend par millions sur le fleuve Saint-Laurent; les grèves sont couvertes d’insectes parfaits qui se dirigent de tous côtés vers les champs de patates qu’ils attaquent aussitôt que les feuilles sortent de terre. De même, par toutes les voies, l’insecte se transporte dans toutes les directions, et notre récolte de patate sera nulle si nous ne prenons pas des moyens énergiques mais efficaces pour les combattre.

Heureusement pour nous, après vingt ans d’expériences dans l’Ouest, on est arrivé sinon à les détruire complètement, du moins à diminuer leurs ravages au point d’obtenir des récoltes ordinaires.

Ce moyen, nous le conseillons à tous : c’est de mettre une grande cuillerée de vert de Paris dans un seau d’eau, de brasser, et, avec un petit balais, très petit, d’arroser légèrement les feuilles, après avoir secoué le balai au-dessus du seau, afin d’en perdre le moins possible. Il faudra répéter l’arrosage autant de fois que l’on verra des œufs ou des larves sur les feuilles — soit, au plus, une fois par semaine — jusqu’à ce que la victoire soit complète.

Cultivateurs, rappelez-vous que c’est un devoir pour vous de faire tous vos efforts pour détruire ce nouvel ennemi, si puissant, qu’il menace d’une destruction complète et immédiate une de nos récoltes les plus importante : le pain du pauvre, comme est appelée avec raison la pomme de terre.

Le bon vert de Paris se vend communément de 30 à 35 cts la livre. Une livre devrait suffire pour sauver de la destruction un arpent de patates. C’est donc un moyen qui est à la portée de tous les cultivateurs, et que chacun doit se faire un devoir immédiat d’employer sans relâche, pour la conservation de sa récolte de patates.

Il ne faut pas oublier que le vert de Paris est un poison violent. Il faudra donc ne point laisser traîner ce poison, mais le garder constamment dans un lieu sûr, où ni les enfants ni les animaux n’auront accès. Quand aux vaisseaux et balais dont on se servira, il vaudrait mieux en destiner un de chaque espèce à cet usage exclusif, que l’on aura soin de vider, de laver et de mettre en sûreté chaque fois que l’on s’en sera servi.

Nous espérons que tous nos lecteurs, sans exception, vont se mettre à l’œuvre, qu’ils emploieront le vert de Paris avec les précautions nécessaires aussi souvent qu’il le faudra, et qu’ils feront tous leurs efforts pour propager ce remède facile chez chacun de leurs voisins, afin que les efforts pour la destruction de ce terrible insecte deviennent généraux par toute la province.

 

L’illustration de cet article provient du livre de Germain Beaulieu et Georges Maheux, Les Insectes Nuisibles de la Province de Québec (Québec, Charrier et Dugal, 1929).

Contribution à une histoire des insectes au Québec.

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