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Le métier de journaliste de campagne

Ou le chant de la polyvalence. Dans Le Franco-Canadien (Saint-Jean-sur-Richelieu) du 6 avril 1888.

On croit généralement que les rédacteurs des journaux de campagne sont les plus faibles représentants du journalisme et qu’ils sont inférieurs à leurs confrères des grandes feuilles publiées dans les villes. On ne saurait se tromper davantage.

Un journaliste bien connu, qui a occupé des postes importants dans plusieurs grands journaux de villes avec beaucoup de succès, disait dernièrement :

«Je n’hésiterais pas un seul instant à écrire les articles de fond des meilleurs journaux; mais je craindrais de me charger de la rédaction d’une feuille de village.»

Dans la profession, il n’y a pas de poste plus difficile à remplir que celui de rédacteur d’un journal de campagne.

Dans les grands journaux, chaque journaliste a sa spécialité, dans laquelle il reste cantonné depuis le 1er janvier jusqu’à la St-Sylvestre; il n’est aucunement tenu de s’occuper des autres sujets. Mais le journaliste de campagne doit connaître toutes les questions; il doit être capable de discerner les tendances du public en politique, en religion, etc.; il faut qu’il traite de l’anarchie et de l’agriculture avec une égale précision; la politique et la polémique ne doivent pas avoir de secret pour lui; il est tenu de s’occuper du Président et des melons, des personnages intelligents et influents, ainsi que des plus obscurs villageois.

En résumé, il doit connaître tous les sujets. C’est ce qui rend la tâche du journaliste de campagne si difficile à remplir; c’est ce qui fait de ce journaliste un excellent rédacteur pour un journal quotidien de ville. Ce n’est que dans les journaux de campagne qu’on peut se mettre au courant de toutes les questions.

Ces journaux ne sont pas aussi respectés qu’ils méritent de l’être; la position de journaliste de campagne n’est pas assez estimée. Les journalistes de ville ne peuvent donner les nouvelles locales que leurs lecteurs veulent connaître; leurs confrères de campagne donnent une grande partie des nouvelles du monde entier.

Si un journal devait disparaître, ce serait assurément le journal de la ville, car aucune publication ne peut remplacer celui de la campagne.

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