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Conseils à un jeune homme qui veut devenir journaliste en 1887

Jeune homme, le journalisme vous intéresse. Voici ce que l’hebdomadaire de Joliette, L’Étoile du Nord, vous conseille. Et il ne vous dore pas la pilule.

Premièrement, nous avisons ce jeune homme de se mettre régulièrement au travail avec un composteur et d’apprendre l’état d’imprimeur. S’il a en lui l’étoffe d’un rédacteur, elle se développera graduellement; dans le cas contraire, il s’en apercevra bien, et, quoiqu’il arrive, il sera toujours certain d’avoir appris un bon état. […]

Néanmoins, nous ne conseillerons pas à ce collégien de faire le choix de la carrière de journaliste, comme nous lui dirons qu’un gradué sorti fraîchement du collège est presque certain d’être une maigre recrue dans le bureau d’un journaliste. Premièrement, il est encore jeune et sans expérience; puis, sur cent gradués de collège, il n’y en a pas un seul qui n’ait encore une infinité de choses à apprendre, avant de rendre quelque service littéraire appréciable dans n’importe quels travaux de bureau.

Supposons qu’on dise à ce jeune homme de s’asseoir à une table, sans autres auxiliaires qu’un crayon et quelques feuillets de papier, et d’écrire un article dans une heure ou deux sur une question du jour. Pourrait-il le faire ? Il est plus que certain que non. Et pourtant le journaliste compétent est soumis tous les jours à de semblables épreuves, et il ne s’agit pas de rater.

Il faut donc être toujours prêt, il faut toujours bûcher, non pas du bois, mais son cerveau, afin d’en tirer les idées que les études et l’expérience y ont emmagasinées. Le cerveau est aussi paresseux que les bras; il ne travaille que quand on le stimule, et il n’en sort que ce qu’il y a. D’un sac de charbon, on n’en tire jamais du sucre granulé ou de la fleur de farine.

Ceci est dit exprès pour faire comprendre à nos compatriotes «la différence, qu’en français, il y a dans le mot générique anglais»; celui qui ne sait pas sa langue, toute la farine pour lui est de la «fleur», par suite d’une traduction trop libre; celui qui parle français sait que la farine sert à faire du pain et qu’on prend de la fleur de farine pour les pâtisseries.

Mais n’abandonnons pas notre jeune homme qui, nous devons le supposer, est disposé à rendre service à la société, a dans sa tête des idées fraîches, est animé de la puissance d’un sang chaud, avec une bonne volonté à faire ses preuves. Alors, jetez-vous à l’eau. Si vous savez nager, vous vous en tirerez; dans le cas contraire, vous serez noyé.

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