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Prendre le tramway, quelle histoire !

Parfois, citadins de 2014, nous croyons qu’emprunter le tramway dans nos villes où ce mode de transport est absent serait un véritable bonheur. Or, il y a plus de 100 ans, beaucoup déchantaient.

Ici, un Montréalais qui signe Un citoyen est mécontent du service des tramways à Montréal et décide d’écrire à la Compagnie des chars urbains. La Patrie publie sa lettre le 6 février 1893.

Pardonnez-moi à l’avance, messieurs de la compagnie, mais, en me faisant l’écho de tous mes concitoyens, j’ai pris sur moi la responsabilité de vous donner quelques conseils.

D’abord, notre système de chars dans notre bonne ville de Montréal, malgré le pas de géant qu’il vient de faire dans la voie du progrès [l’auteur fait sans doute alors allusion à l’électricité maintenant utilisée], est encore des plus défectueux. Et cela pour plusieurs raisons. Pourquoi prenons nous les petits chars ?

Ce n’est certainement pas dans le but de nous fatiguer, autrement l’on ferait à pied le trajet, plus ou moins long, que l’on aurait à parcourir. Cependant, il n’y a rien de plus ennuyeux, et de plus propre à nous fatiguer, que d’être pressé de tous côtés comme des sardines dans vos voitures.

D’ailleurs, messieurs, ce que vous ne voulez pas admettre en pratique, vous l’admettez fort bien en théorie.

N’y a-t-il pas dans chaque char une pancarte disant «que tout personne occupant un siège doit payer le prix du passage»; nous pouvons donc de suite tirer cette conclusion que ceux qui n’occupent pas de sièges ne doivent pas payer. Mais je ne crois pas, messieurs, que la compagnie ait eu l’intention de promener ainsi les gens sans aucune rétribution.

Ne lit-on pas plus loin «que les enfants sur les genoux de leurs parents ne paient pas». Si vous avez mis cette clause, ce n’est pas seulement à cause de leur âge, mais c’est parce qu’ils n’occupaient pas de sièges. Or s’il arrivait (et cela a fort bien pu arriver) qu’un vieillard paraîtrait assis sur les genoux de son enfant, vous ne devez pas exiger de lui le prix de passage, suivant vos propres règlements.

Alors, messieurs, il me reste à vous signaler que vos employés ne font pas leur devoir, parce qu’ils réclament le prix de la course à des voyageurs n’occupant pas de sièges.

Pourquoi donc cet encombrement dans vos tramways (électriques ou non) ? Cela est probablement dû au petit nombre de chars que vous mettez sur la voie. Il est vrai qu’ils se succèdent assez rapidement quand nous ne sommes pas pressés, mais ceci n’est qu’une compensation à un mal plus grand.

Pourquoi donc ne pas imiter la plupart des grandes villes d’Europe et d’Amérique sous ce rapport ? Lorsqu’un char est au complet, on met tout simplement sur le côté du char un écriteau avec ces mots «au complet». C’est pourtant bien simple et c’est facile à faire !

Comme le faisait remarquer dernièrement un journal de Montréal, la plus grande partie des «avis aux voyageurs» sont en anglais; il n’y a que de rares exceptions écrites en français. Voilà, messieurs, comment vous rendez justice aux quatre cinquième de votre clientèle.

Une vision prophétique et je termine. La scène se passe en en 1982. Les chars électriques sont perfectionnés; en arrière du véhicule, il y a une machine qui vous prend les gens, les rentre en dedans, les range de manière à ce qu’ils prennent le moins de place possible. Alors, dans un char de 40 personnes, on en met aisément 90. Les passagers ont beau crier, se lamenter à tous les saints, la boîte aux «5 cents» résonne de nouveau, un nouvel arrivé entre, ou plutôt est entré de force, puis le concert de lamentations recommence.

Enfin, pour les accompagner, les échevins de Montréal, toujours prévoyants, ont fait placer à l’avant du char une escouade d’hommes de police, faisant partie de la fanfare du temps. Les musiciens soufflent à perdre haleine dans leurs instruments, et jouent : «C’est le tramway qui passe, tout le long du boulevard».

Voyez-vous le tableau ????

Oh ! progrès !!!!

Un citoyen.

 

Ci-haut, une scène d’hiver rue Notre-Dame, dans un Montréal enneigé, vers 1910. On arrive à peine à voir le tramway. Cette photographie provient de Bibliothèque et Archives nationales du Québec Vieux-Montréal, collection Nelson Cazeils, cote : P792, D4.

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